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L'ingénierie numérique des débats

[2021-01-17 dim.]

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Faisant écho aux Ingénieurs du Chaos de Giuliano da Empoli, « l'ingénierie des débats » qui se présentait à son lancement comme un projet pédagogique se transforme en une arène dans laquelle sont remises en questions des recherches qui l'ont légitimée et qui ont aboutie — à la place d'un logiciel éducatif et collaboratif — à une production des bureaucraties modernes, aussi placée sur le « marché de la concertation et de la démocratie », celui de la startup nation, celle-là même qui promeut des valeurs de réactivité et d'efficacité à leur seules fins. Il est certain que pendant cette période, nous avions durement manqué de lieux et d'agoras où chacun venait s'instruire et discourir : des lieux de débats.

Ce bureau d'études, lié à l'ingénierie des systèmes et des plateformes, financé sur fonds publics, sous accréditation scientifique et objet d'enjeux politiques, est devenu, avec le temps, un poste d'observation de débats publics et semi-publics, regroupant des universités privées, quelques collectivités territoriales et des laboratoires scientifiques parfois en difficultés. Des débats préparés et prolongés avec des moyens informatiques eux-mêmes pensés, analysés, réalisés et critiqués, ces étapes ne s'étant pas produites dans cet ordre particulier ni pour un seul et même objet, mais l'étude ici, porte moins sur l'informatique que sur les soubassements idéologiques de l'entreprise qui conduisent à mettre ces moyens en œuvres.

Ingénierie des débats

À ses débuts et même si la dégradation de la classe politique avait commencé, ce n'était pas le constat d'une désertification du débat public qui justifiait cette entreprise, mais l'expression d'un malaise lié à la littérature scientifique, aux relations de travail dans des laboratoires semi-publics et aux exigences de comptes-rendus et d'évaluations ; pourtant de plein pied dans le secteur toujours très encouragé des « innovations » digitales, mes confrontations avec les bureaucraties, dont ont sait combien elles procurent de l'ennui, ont eu ceci de néfaste que passée la phase d'excitation pour la nouveauté, avec, sur la partie visible, somme toute rien de renversant, il devint difficile de préserver l'expression et la créativité, valeurs pourtant essentielles aux partages de connaissances qui serviront à concevoir intelligemment des programmes originaux, surtout si on garde l'espoir de corriger les erreurs fatales dont les productions précédentes nous ont encombrées, pour combler les lacunes qui surviennent lorsqu'est trop négligée l'histoire et plus simplement, afin de poursuivre le travail que l'on sait faire.

En 2014, en pleine mobilisation pour défendre des emplois dans l'enseignement supérieur et la recherche, l'ingénierie — sous-entendue numérique — des débats — concept original car on a pas souvent l'occasion de voir ces deux mots ensembles (ingénierie et débat) — est, à l'occasion d'un speed-dating scientifique, présentée comme une vocation de se positionner sur les trois domaines que sont l'éducation, la science et la politique.

Numérique, digitale

Arrêtons-nous un instant sur le mot numérique, car je regrette ce mot qui évoque la loi du chiffre. Je regrette qu'il soit partout, tandis qu'informatique est tombé en désuétude. Développeur ? Terme abstrait, au regard du polysémique développer tandis que programmeur était pourtant si exact.

Les mots nouveaux entrés dans les dictionnaires d'une langue en proie à des brusquements orwellien aident, tout en prenant la mesure du temps qui passe, à identifier les incursions des éditocrates, eux-mêmes mis en place et soutenus par les ploutocrates, dans l'édification des comportements langagiers. Le cas de l'idiosyncratique et mal formé « sociétal » — expliqué par le linguiste François Héran Heran91societal — évoque à lui seul le glissement qui s'opère à même le sens. Social, en latin socius, compagnon, associé, allié, correspond à société, à la vie en société. Tandis que sociétal est relatif à la structure qui englobe l'individu pour lui imposer sa conduite. Une entité autonome et supra-individuelle, substituée au tissu social.

Parmi ceux qui ont critiqué le substantif numérique, il a eu Alexandre Moatti Moatti12 et Bruno Latour — ex-directeur scientifique à Science Po — qui citait Simon Seifer : « l'erreur que vous avez commis en France, c'est de l'appeler numérique, il fallait rester au mot français “digital”, que nous vous avons nous les anglais disait-il, emprunté1digit n. (number: 0-9) : chiffre nm.11. Mot qui existait en 1730, il a été réutilisé par les anglais et réimporté en 1960. L'académie des sciences dit non, c'est un anglicisme, nous allons l'appeler numérique. Pourquoi Seifer insistait là dessus ? Dans digital, il y a les doigts [qui pianotent sur] le clavier. » « Ce que vous appelez une révolution numérique c'est que vous tapez sur un clavier un truc complètement […] provisoire dans l'histoire des techniques, un objet de transition dont on attend la fin avec impatience SoftPower-2020-02-23. » Très polémique, la remarque de Latour a ceci d'utile qu'elle met en relief la confusion qui existe dans les manifestations de la révolution numérique, en essayant tour à tour d'appareiller les objets de l'extension cognitive, l'écran, le clavier et pourquoi pas le télégraphe… et ordinateur et machine de Turing. On se dote d'une bien meilleure perspective anthropologique si on observe le rapport à l'écriture et à son media et à la place qu'elle occupe dans les empires.

Sur une remise en question étymologique, on peut remonter encore avant, à la révolution digitale, celle qui commence lorsqu'on se met à coder, avec ces doigts, des alphabets. Codex désigne en latin une tablette pour écrire.

Précédemment, dans les émissions Hors champs et Place de la Toile, sur France Culture, il remarque que « L'ordinateur attire très peu de philosophie des sciences et de l'histoire des sciences. » « On accepte au fond l'idéologie dématérialisée, alors que c'est au fond toujours re-matérialisé. » Mais quoi ? La musique ? Les bibliothèques ? Certains emplois ?

En septembre 2019, sur les régimes de vérité ethnographiques : « La recherche des modes et de juxtaposition de vérité en philosophie étant un des moyens d'éviter que l'un de ces modes ne prennent le pas sur les autres [religieux, scientifique, juridique ou politique]. La notion de mode est importante [ici]. La qualité de l'information en science est d'une certaine qualité qui est propre au mode. » Le mode distingue les manières d'être de quelque système et n'est pas à confondre avec une “modalité” (Un sens faible pour un terme passe-partout et un sens spécialisé de manière relativement arbitraire à partir de la tradition logique, dans les usages linguistiques. Mais il y a de fréquentes interférences entre les deux » TLFi]). Je le clarifie car il occupe une place dans la grille d'analyse logique des énoncés, tout en laissant planer un spectre : celui de la définition formelle de la vérité. Car au-delà de l'exercice de logique, il n'existe pas dans les sciences, malgré tout ce que proclame la physique, de réponse ni adaptée ni objective à toutes les circonstances. Cette qualité de l'information en science est donc avant tout une question de communication, communication qui, il est nécessaire de la rappeler, fait partie de la mission scientifique, mais mise à mal par le règne de la quantité sur celui de la qualité.

La suite dans les idées, en 2012 : « à cause de la théorie que les gens ont, on a envoyé l'anthropologie à l'étranger à part des travaux tout à fait récents de Descola et des autres, on a assez peu ramené l'anthropologie sur nos propres terrains. La base qui permet de comparer les non modernes ou les pre-modernes ou les hyper-modernes ou les neo-modernes reste très fragile. Puisqu'on attribue des défauts ou des qualités qui n'ont jamais été finalement tellement vérifiées sur le terrain. »

Des observations des « modernités » qui ne sont pas permanentes et fragiles. Comme le sentiment de vivre les expériences de la modernité, elles se passent maintenant. D'autres observations et des vérifications qu'il est possible de faire au lointain ne sont-elles pas aussi une voie d'exploration de civilisations plus stables, moins mutantes, pour aussi se doter d'yeux neufs et mieux ouverts sur son propre terrain ?

« Les sciences studies ont été les premières à faire des études un peu empirique sur la façon dont les sciences se passaient (de l'anthropologie en fauteuil jusque-là). Stupéfait que sur les projets techniques, les études se comptaient sur les doigts des deux mains (idem pour l'ethnographie de la fabrique du droit). La connaissance des institutions qui produisent de l'économie reste extraordinairement lacunaire parce qu'on est obsédé par les guerres de religions au niveau idéologique entre le marché, l'État et toute ces choses qui ne correspondent pas à des pratiques.

La notion de valeur est extrêmement simple : si vous restituez à quelqu'un une description de ce qu'il fait, vous ferme-t-il la porte à la figure ou pas ? Dans l'anthropologie à l'ancienne, c'était moins vrai : ce que disent les gens de ce que vous dites d'eux ne paraissait pas aussi important mais maintenant — l'anthropologie elle-aussi est devenue réflexive — c'est beaucoup plus important. Les valeurs sont une définition de ce à quoi on tient, [et à défaut, de quoi nous ne sommes plus nous-mêmes]. »

Pourquoi est-ce que j'insiste sur l'intervention de Latour ? Ses ouvrages avaient été convoqués par notre groupe de travail dès la souche de notre collaboration, mais de manière vague, lors que surgissait l'édition numérique de son Enquêtes sur les Modes d'Existences, qu'il aurait été honnête de s'y confronter et que nous réalisions une édition en ligne équivalente voire complémentaire par bien des aspects. Alors qu'est-il arrivé au juste ?

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Figure 1: le premier écran de Dialoguea : pour déposer un commentaire dans le forum il faut d'abord sélectionner un extrait du texte auquel le commentaire fera référence.

Expérience d'une pédagogie renouvelée de l'argumentation

Cet écran montre la première maquette de Dialoguea. Le logiciel procure un surligneur de texte qui indique sur quoi porte le message qu'un rédacteur rédige dans le forum, faisant référence au texte principal ou à un commentaire précédent.

Apprendre le débat et développer une pensée critique font partis des missions de l'école et pourrait-on ajouter de chaque citoyen.

Véronique Pinet, professeur de philosophie au lycée Joliot Currie à Sète a imaginé ce projet éducatif avec Jean Sallantin, chercheur en logique. Ce premier mockup de l'interface était réalisé par la société Intactile Design. Il résume l'idée, et celle-ci me paraissant bonne, je me suis lancé dans sa programmation qui devint une plateforme, cependant même que l'emploi du terme apparaissait.

La première expérimentation a lieu dans des classes de littérature et d'histoire‑géographie. Les élèves lisent et commentent deux articles du Monde sur l'écologie de la Mer Méditerranée — un sujet qu'ils connaissent bien — et une conversation imaginaire entre deux habitants de Sète rédigée par leurs enseignants2https://dialoguea.fr/forum/map/5ad140f49f50ea064c06106322.

Deux groupes de vingt élèves débattent pendant deux séances de trente minutes par ordinateurs interposés ; ajoutons la mise en place et l'explication pour l'organisation par paires dans la salle de TP. En autonomie de lire et de collaborer dans un forum, ils sélectionnent (soulignent) les extraits qu'ils commentent (annotent) tout en discutant avec leur binôme. L'activité ne fait pas l'objet d'une évaluation. La restitution nous indique que l'exploration du sujet qui a été proposé a bien fonctionné.

Ayant résumé chaque propos en quelques mots, ma synthèse tient sur un poster mais cette restitution des débats n'étant pas le travail de leur élèves, elle n'intéressera aucunement les enseignants.

Pour la suite l'ambition des organisateurs sera de créer une relation à partir d'une question : « d'où vient-il que le climat ne doit pas dépasser un seuil fatidique de réchauffement moyen de 2° ? ». Nous sommes en 2015.

Les enseignants n'ont probablement pas la réponse à cette question. Il était proposé que des étudiants interviennent au lycée, qui n'ont pas davantage la réponse, mais seront, eux, en capacité d'aller interroger des chercheurs dans les laboratoires de leur université pour la rapporter ensuite auprès des lycéens, créant ainsi ce lien entre lycéens futurs étudiants et étudiants futurs chercheurs. Vision assez optimiste des choses, les arpenteurs de couloirs se font plus rares et les bâtiments ouvrent des voies d'accès de plus en plus restreintes.

Au printemps 2015, se tiendra une grande journée où des classes de quatre lycées se rassemblent à l'Université des Sciences et Techniques du Languedoc et présentent mutuellement un projet pédagogique original auquel ils ont activement participé. Deux classes ont un vrai débat en bonne et due forme, présenté et animé par les élèves eux-mêmes.

Sur l'expérience avec le logiciel, l'avis des enseignants est très positif, y compris pour ceux qui étaient au départ méfiants. Pour comprendre qu'ils soient rendus réticents à ce type d'initiative, il faut avoir entendu leur témoignage, ceux des ingénieurs contractuels qui ont eu à y travailler, et celui d'une inspectrice de l'académie pour comprendre les difficultés quotidiennes produites par l'usage des services centralisés de l'Environnement Numérique de Travail (l'ENT)3« La menace qui pèse sur les informaticiens, c’est le conservatisme, encouragé par les fournisseurs, on comprend qu’ils n’aient pas envie de voir remises en cause des compétences qui ont mises des années à être acquises, mais dans un secteur en évolution rapide, le conservatisme est suicidaire à terme, même si la croissance rapide du secteur peut en masquer les dangers. » Bloch1333.

Ce que je traduis par la mise en œuvre d'une société de la panne. Bien au fait des politiques en matière de plateforme pédagogique, l'un d'eux ajoutera : « tel quel, Dialoguea est très bien, inutile d'en rajouter ». Et on comprendra mieux ce qu'il anticipait par la suite.

La presse locale a commenté positivement l'expérience LaMarseillaise-2020-02-02. Ne resterait plus qu'à rassembler quelques fonds pour conclure par une phase, même si ce terme est un peu fort, « d'industrialisation » avant de poursuivre en direction des nouvelles expériences issues des recherches apportées entre-temps à notre connaissance…

Ici vont se croiser deux politiques : celle des laboratoires dans des université en transformation avec l'apparition des COMUEs4Les Communautés d'universités et établissements, mises en œuvres sous le ministère Fioraso en 2013. https://histoiresduniversites.files.wordpress.com/2020/03/urca-regrouper-d%C3%A9grouper.pdf44 et celle du rectorat de l'académie, les deux directement dépendantes du ministère de l'éducation. Le logiciel continue de faire bonne impression, assez pour que le rectorat accrédite symboliquement l'association et promette de soutenir le projet. Tout juste de quoi alimenter à nouveau trois mois de développements, d'administration et de formation qui vont suivre, mais ceci est largement compensé par des promesses. Laboratoires et universités sont des lieux privilégiés de la politique car le scientifique a le devoir de transmettre des connaissances et pour cela de communiquer, d'informer et d'instruire tandis que le politique a besoin d'être entouré et informé pour anticiper, prévoir et prévenir. Avec de l'argent au fond du panier les premiers crabes sortent du sable pour espérer aller au soleil.

Visualisation

J'expose rapidement la nature des relation établies au moyen de cartes mentales : j'utilisais au début une arborescence linéaire pour décrire les conversation d'un forum or selon la “profondeur” de la discussion, celle-ci déborde du canevas. Les replier circulairement sur des diagrammes en soleil (sunburst en anglais) maintient la localité du graphique schématique de l'arbre de la conversation, ce qui a ouvert la possibilité de les disposer à leur tour sur des graphiques et de les relier entre eux par des arcs. Une présentation originale que l'on appela par la suite des cartes de débats, qui aident à s'orienter dans les forums, à se faire une idée de la participation sur chaque et identifier les points d'achoppements. Vues certes synthétiques et schématiques, mais beaucoup de temps peut être dépensé à disposer les graphes, les réarranger, les organiser, les aligner, pour en définitive faire tenir cette information dans un espace d'exploration raisonnable mais limité, relativement comparable aux dispositions de pastilles sur des tableaux. Un éditeur de dessin vectoriel embarqué dans le programme et pouvant absorber ces graphes et d'autres informations issue des données aggrégées viendra par la suite en complément ouvrir des possibilités de présentation créatives.

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Figure 2: Une centaine de messages colorés d'avis favorables, défavorables ou neutres, en réponse les uns aux autres. Les messages du premier cercle font directement références à un passage du texte sélectionné et cité.

Une organisation chronologique, journalisée de l'information offre une sédimentation illimitée, déjà structurée, possiblement non labile, graduellement indexable, Le texte écrit étant le référentiel ultime, ce qui est loin d'être le cas des documents et des tables dans des bases de données.

Réflexions sur le débat numérique


« Qu'il est utile, Ô Athéniens,
  qu'il est bon d'avoir des archives publiques !
  Là, les écrits restent fixes
  et ne varient pas selon le caprice de l'opinion. »

     Discussion d'Eschine contre Ctésiphon


Certains débats, scientifiques, théologiques ou philosophiques, conduisent réflexivement à se questionner sur la dimension savante du débat tenu. Nous ne remettrons pas en question la pratique du débat telle qu'elle existe, civilisée et ordonnée, mais nous nous intéressons à ses extensions informatiques : d'une part au web et aux plateformes centralisées. De l'autre, à un système d'exploitation distribué avec un modèle de communication proche du mail et du journal personnel. La situation est ambivalente du fait que coexistent deux systèmes d'exploitation dans les ordinateurs en 2020 : le système d'exploitation proprement dit, standardisé et robuste ; et le navigateur web, qui réimplémente en différent lieux des applications en réseaux.

Dans la première configuration, désormais très classique, nous fournissons une interface dont la fonction centrale est de pouvoir annoter des textes sur le web.

S'il était ouvert pour offrir à chacun la possibilité de produire ses propres lieux de discussions, il serait un forum des débats, mais ça n'est pas encore le cas, ce qui en fait à ce stade un logiciel d'intermédiation et devenu, plus loin, un logiciel « de collecte de la parole citoyenne », soit un instrument de plus pour le politicien.

Dans la seconde configuration, la situation est tout autre : nous allons en direction d'un authentique assistant cognitif bâti autour du principe d'un système de fichiers irrévocables Douzal.Bercher.duColombier.2011. Une notion essentielle est ici que chaque participant doit pouvoir disposer d'une copie intègre du texte à partir duquel il débat.

Axé sur les données, il entend généraliser ce principe, à partir des principes de l'écriture, à un système d'exploitation — la définition de celui-ci Saltzer&Kaashoek étant l'ensemble des programmes qui permettent de réaliser son travail et non plus l'interface de parité logicielle/matérielle que l'on avait coutume d'utiliser.

Assez naturellement, on conviendra que le principe se réserve en premier lieu à un usage personnel. Je procède à une annotation, j'écris un commentaire, l'évalue, pondère, modère ou enflamme le propos avant de le pronnoncer, l'écrire, l'envoyer, l'adresser publiquement. La datation, la conservation et l'attestation patrimoniale, qu'il ait été partagé ou non n'est plus une intendance de l'auteur. Si on est assuré que l'auto‑coopération se passe correctement, c'est à dire au premier niveau, que le commentaire des notes que je rédige afin de me les transmettre vers le futur fonctionne, les chances que l'on puisse coopérer évoluent elles-aussi. Il s'agira à partir de là de retransmettre et d'identifier sur le réseau.

Transmettre n'est plus un problème, identifier en est un autre, l'anonymat sur le web en ayant fait un bal masqué permanent.

Il sera toujours possible de se faire passer pour un autre et ceci est en lien avec la notion d'expression libre. Les résistants à l'occupation parvenaient à sauver des vies en falsifiant des passeports pour créer temporairement des identités que les autorités identifiaient, elles, commes formellement autorisées à circuler. Un système qui entend réaliser des applications trop aigües de formalismes, soient des ensembles de règles, peut se retrouver lui-même privé des moyens de se soustraire à ses propres dérives.

L'informaticien est aussi tenté de voir en la corruption du noyau Linux, non pas une métaphore ni une virtualité, mais un échec direct et immédiat d'une entreprise démocratique pour maintenir un cadre exécutif, législatif et juridique au service du peuple. Et cela peut aider à comprendre la nécessité impérieuse d'une sécurité des échanges d'informations et de stockages irrévocables et horodatés. Cela ne prémunit en rien d'une falsification, mais ceci assure que sa trace puisse être conservée et étudiée et que les états courant du systèmes puissent être restaurés dans des états précédents.

Ce stockage et cette distribution nécessitent des modèles de programmation différents des standards et de la pop-culture du web. Ça n'est en rien incompatibles : on tient à continuer à travailler sur de l'hypertexte et on est libre de transmettre sur http la vue des données et le sens que l'on prête aux informations.

Au bout du raisonnement, si on accepte que l'intégrité de la copie d'un texte sur lequel on débat puisse être mise en cause, on pourra aussi en toute naïveté, se demander si tous les hommes sont égaux ou si certains le sont plus que d'autres.

Peut-on espérer faire société sur les grands networks ?

Tels qu'ils en sont venus à exister ?

Le logiciel libre se présente comme un modèle d'organisation sociale démocratique. On peut faire le parallèle avec l'amendement et la transformation de textes de loi avec ou en dépit d'un débat en bonne et du forme CodeIsLaw. Cela se lit et peut être rendu explicite : quand et comment les textes sont modifiés.

Ouvrons une parenthèse sur l'informatique. Le web abonde de forums et Dialoguea est un tel forum, codé avec les langages en vogue en 2015, période qui voit l'arrivée à maturation de la norme EcmaScript comme standard pour les navigateurs, offrant des expressions de programmation fonctionnelle, généralisée avec Typescript5Sur l'écosystème Javascript, il faut rappeler qu'après l'acquisition de github par Microsoft pour 7,5 milliards de dollars en juin 2018, suivit celle du registre npmjs en février 2020. La situation est exposée dans Silverio:2019.55 et JSON (Javascript Object Notation) comme format d'échange et qu'un dialecte singulièrement voisin de Lisp émerge de la combinaison des trois, ce qui s'explique probablement par la dixième loi de Greenspun6https://wiki.c2.com/?GreenspunsTenthRuleOfProgramming66(1993) sur la programmation.

Les langages conçus pour la programmation des navigateurs web ont occupés une place de plus en plus importantes au point de se substituer aux systèmes d'exploitations. Ils sont restés longtemps notoirement peu sûrs, et fruit d'un mode de distribution qui entendait offrir quelques garanties quant à la simplicité et l'isolation des systèmes hôtes, mais pas la sûreté des programmes eux-mêmes.

La tendance est très marquée et on peut résumer l'une des conséquences à cette citation de Robert Pike : “Systems software research is irrelevant”7https://news.ycombinator.com/item?id=865112577 pike2000systems.

On peut opposer que le navigateur Chrome est du même ordre de complexité qu'un système d'exploitation Grigorik et qu'il sert précisément à en concevoir un (le chromeOS), mais là n'est pas la question, les systèmes fermés produits par des firmes ne venant pas à manquer.

Pour le programmeur la situation s'est relativement améliorée avec le transpiler Babel.js qui permet de composer des modules, une étape transitoire vers TypeScript pour disposer d'un typage intermédiaire et enfin JSX, offrant de nouvelles possibilités pour créer des structures algébriques entrant dans la composition des interfaces Sinclair20.

Tout ceci se passe, paradoxalement, au prix de la dépossession des usagers de leurs données.

Microsoft et Palantir soutiennent le devenir de TypeScript et entendent aller en direction d'une généralisation des systèmes au web, c'est à dire une vision de l'informatique majoritairement réduite au smartphone et en situation de dépendance vis-à-vis de fournisseurs, le système placé derrière une vitre. Ce langage pourrait légitimement exister avec un compilateur qui lui soit propre, mais ça n'est pas le cas : il est conçu pour s'adapter à l'état actuel des interpréteurs dans les navigateurs, à leur charge de fournir un compilateur assez sûr pour assurer ce mode de distribution des programmes, dont on ne peut garantir s'ils seront encore opérationnel dans dix ans. Tous les systèmes embarquent des composants logiciel d'une complexité supérieure pouvant fonctionner H24, sans erreur aussi longtemps que l'électronique le supporte. Et c'est ça que le développeur veut et c'est pour cela que nous avons des ordinateurs, c'est à dire des machines déterministes à notre service. Personne ne souhaite édifier des aliénations qui iraient dans le sens inverse.

Inciter à la discussion en ligne

sur des sujets propres au choix informatiques et au développement du projet lui-même, voire, dès le début, sur le code source et ces commentaires en plein texte aurait été perspicace.

Les choix effectués pour l'organisation de logiciels libres peuvent impliquer plusieurs tours de discussions avant de décider de ce qui devra être fait et dans quel ordre. Davantage encore dans le cas de logiciels libres à large diffusion. En ceci, appliquer l'adage « To eat your own dog food » apporte de la cohérence à l'élaboration de l'ensemble8On a pu imaginer à un stade que cette relation se nouerait avec communecter.org, mais pour des raisons de maturations technologiques et soucieux d'élaborer un groupe de travail local, je reportais ce rendez-vous qui, par la suite, (et bien que je me sois rendu dans l'autre hémisphère dans le but de rencontrer son instigateur) n'arrivera jamais.88.

Le parti pris a été de se tourner très tôt vers le grand public, de simplifier, de masquer et de faire disparaître toute technique, cependant que dans le laboratoire, on ne tolère que les belles lettres de noblesses : chercheurs en IA, designers d'usages, chercheurs en analyse automatique du langage naturel et didactiques des sciences. Mais la collaboration ne se produira pas, le débat n'émergera pas car sa condition première ne sera pas rencontrée : accepter l'altérité et reconnaître que nous concevons un système techicien.

Le choix d'aborder le problème comme une théorie — car c'est ainsi que les choses ont été présentées à leurs débuts — dans un contexte quasi identique, a déjà été remis en questions par Edward Barrett, dans The society of text, en 1989 Barrett1989.

« Mon travail sur le développement du Système Éducatif en Ligne [NdT : Educational Online System (EOS)] au MIT démontra encore plus sa valeur dans la perspective d'une construction sociale du point de vue de la conception et de l'implementation de technologies élaborées pour l'enseignement et les conférences.

Pendant plusieurs années, nous développions un système pour enseigner l'écriture qui tirait parti du réseau Athena et discutions au sujet de l'application de l'IA pour écrire des instructions et créer des documents.

Diverses théories des processus cognitifs de l'écriture et du développement, dérivées de Piaget et d'autres, furent suggérées comme modèles pour un prototype de machine mais les membre du Programme Écriture ne se sentirent jamais très à l'aises avec ces théories. Ou peut-être est-il plus correct de dire que nous ne pûmes jamais accepter en bloc les théories que ces systèmes impliquaient. Il était de plus difficile de concevoir comment certains de ces programmes que nous essayions de stabiliser pourraient être intégrés dans les activités en temps réels des classes d'enseignements.

Au lieu de tenter de définir un modèle hypothétique de l'esprit humain que nous aurions personnifié dans ces ordinateurs, nous avions défini les actions qui prenaient place quand l'esprit était engagé dans le processus de créer, d'analyser, de partager des textes. C'était la part de travail interne de l'esprit qui n'est pas calqué sur la machine ; au lieu de cela, nous concevions la classe comme un “mécanisme” d'interaction et de collaboration et décrivions ces processus sociaux sur l'ordinateur. Par essence, nous avions textualisé l'ordinateur. Nous le fîmes entrer, — et l'utilisions pour assister les processus historiques et sociaux que nous présentions — pour soutenir la production des textes dans n'importe quel environnement de conférences instructives. »

Dans notre cas, si, en 2014, les fondations épistémologiques présentaient, à ma connaissance, des facettes encore inexplorée de la logique — le domaine est vaste — elle n'en était pas moins difficile à accepter en dehors de leur simples productions culturelles9 Plus difficile encore, l'explication de l'un des membres du projet «AREN» désigné comme product manager ; Au cours d'une des conférences d'un cycle sur l'IA en Mars 2018 : « nous essayons de recréer le cerveau humain ». Une vision particulièrement rétrograde car plus personne ne pense ainsi depuis les années 60.99 comme de potentielles théories fondatrices sémiolo-informatiques. Les explications d'un modèle de partionnement des espaces fabriqués par de très grands vecteurs de mots servant à calculer des distances (arithmétiques) entre des phrases tiennent en un quart d'heure, malgré cela, elles ne firent jamais l'objet d'ouvertures à de nouvelles discussions qui auraient pu à leurs tours être fertiles.

Les réflexions sur un programme de débat numérique à deux colonnes, avec le texte d'un côté avec une marge d'annotations et les commentaire de l'autre amènent plusieurs remarquent sur l'intertextualité.

En dehors du fait que deux colonnes ou deux pages soient une bonne configuration de travail — configuration que l'on retrouve aussi dans les gestionnaire de fenêtre en mozaïque (tiled window manager), qui privilégient un partitionnement régulier de l'espace et dans lesquels le travailleur cognitif ne perd pas son temps à réorganiser des boîtes — le programme présente des ressemblances accidentelles avec le memex de Vannevar Bush Bush45. Ces réflexions et son anticipation sont toujours d'actualité que ce soit sur les questions d'interactions, d'enregistrements et de partages des textes. Outre-atlantique les développeurs du projet hypothes.is, tout en démontrant leur capacité à s'organiser collectivement, communiquèrent à la une de leur site, un dessin animé présentant le memex, une indication de leur prédisposition intellectuelle et de leur connaissance de l'histoire.

Et la situation est encore plus tangible tandis que je rédige ceci, en (r)assemblant les sources et les commentaires avec l'aide du vénérable et indestructible Emacs.

Il y aurait tout un propos à déployer ici pour expliquer en quoi l'informatique est du texte, en quoi le texte se distingue de l'écriture, et en quoi nous aurions tout à gagner à se doter de mémoires véritables qui effectuent des écritures. Nous y reviendrons avec le démonstrateur.

La preuve

La science se décline en aptitudes et savoirs, en connaissances collectives et en connaissances individuelles. Le savoir scientifique mis en partage c'est déjà de la science.

Or la question de la preuve ne porte pas tant sur l'existence de la vérité, que des critères qui permettent de l'établir. On ne peut pas définir formellement la vérité, ainsi que la diagonale irrationnelle du carré des pythagoriciens ou la démonstration de Russel sur les ensembles nous l'indiquent.

Cela ne veut pas dire qu'il faille abandonner toute tentative de description formelle, loin de là, puisque dans la plupart des domaines scientifiques et technologiques, les notations formalisées en mathématiques et en logiques se sont prouvées indispensables à la formulation précise de concepts et de principes et au raisonnement effectif. Mais il faut bien garder en vue que son appareillement avec les affaires humaines ne seront qu'occasionnelles : le débat, ça n'est pas des maths mais du discours, de la didactique, de la philosophie, de la politique et de la culture. Les savoirs peuvent être réactualisés, de petites causes ayant de grands effets et des socles de connaissances peuvent être remis en questions au regard de nouvelles connaissances.

« Un savoir scientifique a sa vérité prouvée par une confrontation à la réalité et sa validité prouvée par sa cohérence formelle. »

Basée sur le carré d'Aristote et ses extensions, Jean Sallantin propose six formes de preuves pour définir les controverses ; Sur les propriétés des choses, les preuves vont porter sur le fait qu'une chose a une propriété permanente si elle a une durée dans le temps. Cette propriété est déterminée si on arrive à la mesurer, existante si on arrive à la localiser ;

Sur les propriétés des énoncés, les preuves vont porter sur le fait qu'un énoncé soit saisissable car non contradictoire, décidable car vrai ou faux, ou encore ordonné car s'inscrivant dans un ensemble de relations avec d'autres énoncés. »

  ordonné déterminé décidable saisissable existable permanent
ordonné - classification aporie approximation paradoxe formalisme
déterminé variance - variable phénomène indice donnée
décidable hypothèse définition - méthode problème théorie
saisissable principe paradigme objet - domaine loi
existable mode variation dimension événement - croyance
permanent axiome valeur structure invariant conjecture -

Le tableau des intersections entre ces six propriétés établies ou non se remplit de 30 nouvelles définitions destinées à être utilisée pour annoter un texte, et supposément serviraient de bases d'apprentissage à un programme supervisé, mais les recherches ne vont pas jusque là.

Dans ce monde Habermassien, où ne prévalent que les normes de la vérité et du meilleur argument, peut se décréter que l'espace des catégories d'arguments fondés qui ne sont pas des déductions est fini. Ceci exclue la créativité qu'offre le langage et procure un modèle statique dans lequel tout se tient d'emblée par une chaîne de relations et de notations. Dans un tel modèle ce qui peut être déduit l'est déjà d'emblé et rien ne peut arriver.

Si l'on se place dans celui où le savoir et le dire peuvent en général vous valoir quelques avanies et quelques déconvenues, c'est à dire celui où nous sommes, on peut observer une distinction sur le réel, car c'est de cela qu'il s'agit en premier lieu : de s'y confronter ; les objets qui le peuplent appartiennent soit à l'espace factuel, l'univers de l'expérience naturelle physique et sensible auquel nous avons accès, soit à l'espace formel, celui de la pensée rationnelle et logique. Comprenons par là qu'aucun évènement naturel de l'espace physique (ou factuel) n'a d'influence sur un problème posé dans l'espace formel. La relation inverse, en revanche, existe. Ainsi une éruption du Krakatau, aussi violente soit-elle, ne changera jamais le fait que dans une situation donnée il existe un échec et mat en trois coups.

Mais au bord du volcan en éruption, cependant, la partie d'échec est hors de propos et n'a pas lieu. Le débordement du cadre mathématique ouvre la tentation de présenter ceci comme les promesses d'un système de démonstration formel de la vérité, ce qui apparaîtra aux plus lucides comme un horizon aussi sinistre qu'une loi sur les Fake News.

Appel à projet

L'appel à projet e-fran porté fera l'objet du projet ARgumentation Et Numérique dit « projet AREN », projet dont j'ai été nommément écarté après avoir expérimenté et validé le programme dans les établissements et que j'en eu délivré un code source sous licence AGPL, dans l'espoir d'obtenir le soutien du laboratoire. Projet honni donc, qui, au dialogue a substitué l'image d'un pouce renversé sous les huées, tandis que son devoir de répartition des financements va poser problèmes.

La fraude commence avec un article paru dans le Midi-Libre midilibre16.5.16. Cette même photo10 https://dialoguea.fr/forum/debat/5acc867f7999044dc378f0bf1010 au bandeau coupé est accompagné d'un texte qui attribue à bon compte le travail réalisé, renommé et maquillé, piétinant allègrement le respect du droit d'auteur. Son responsable après avoir multiplié les efforts pour écarter l'auteure initiale, Véronique Pinet, prêtera le flanc à une invitation au tribunal administratif en attribuant un poste non à qui de droit mais à sa propre ex-thésarde.

On retrouve encore l'impétrant dans une tribune Rétoré17 sur la logique et le langage dans laquelle il est loisible de chercher les erreurs. Le propriétaire de ce doigt tendu devra néanmoins le ranger l'année suivante ; Initialement nommé porteur du projet, mais ne souhaitant ouvertement pas se réduire à n'être qu'un prête-nom, il sera démis de ces fonctions après diverses tentatives pour en écarter les instigateurs. Le financement confirmé, notre « consortium » peut mettre en place comités de direction et de pilotage, bureaux, organisateurs de colloques, plus nombreux que le personnel affecté à l'ouvrage et se donneront des réunions régulières pour faire le suivi de deux thèses Pallarès19,DeChechi20. Fort bien. Puisqu'il c'est ce qu'il faut désormais pour espérer financer la recherche. Mais alors, pourquoi ne laisse-t-on pas les deux ingénieurs collaborer à une entreprise commune, ouverte et libre ?

Tout l'enjeu sera, dans la phase où est rendue possible la budgétisation, de favoriser un mode d'organisation hiérarchique et pour le chercheur émérite de poursuivre ex officio. Les critiques sociales de la bureaucratie Kursh.1971,bloch2005systemes,Graeber2012OfFC ont trouvé là leurs illustrations dans ces réunions devenues le rendez-vous régulier de quelques-uns, en charge de superviser le travail des autres et en plus grand nombre qu'eux.

La censure pardonne aux corbeaux

Reste enfin à préciser que l'enjeu majeur du projet AREN est d'exploiter les IA promises par le laboratoire, pour, en consommant de suffisamment grandes quantités de données produites par nos chères têtes blondes, espérer produire un agent conversationnel (un chatbot) et identifier si un texte écrit par un élève est trop court ou trop long ou copié-collé afin de “cadrer” automatiquement sa rédaction.

Il n'est pas difficile de s'imaginer les énervements et les découragements que l'on peut éprouver lorsque la machine dicte ce qui est licite de faire ou de dire. L'aliénation et une technolâtrie suréxitée sont ici aux commandes pour épanouir une société orwellienne prompte à brimer la liberté d'expression. On sait qu'une telle entreprise est vouée à l'échec et que minimiser l'erreur statistique ne suffira pas. Si c'était le cas nous aurions déjà le traducteur universel. À la place des exemples débiles sur la causalité qui nous ont été resservis maintes fois — Pierre est tombé, Paul l'a poussé, peut-on déduire que le second est tombé parce que le premier l'a poussé… (ou bien étaient-ce Socrate et Platon ?) il faut se préparer à des traductions aussi fameuses que « la vodka était bonne, mais que la viande était pourrie »11“the spirit was willing, but the flesh was weak”1111.

Le nouveau responsable du projet AREN ira proposer que les codes sources de la plateforme soient déposé sous licence CC0, c'est à dire sans aucune attribution. Il se trouve être lui-même auteur d'un papier Lafourcade18 très insistant sur le mot “resource”, où il nous apprend qu'après dix ans d'existences (douze à présent), son code source n'est, lui, pas libre de droits et appartient en totalité à son auteur et que tout accès, utilisation, détournement, publication ou divulgation d'informations de tout ou partie de ce code sans le consentement écrit de l'auteur sera passible de poursuites. Que peut justifier qu'après un temps aussi long, un chercheur en informatique, fonctionnaire dans un laboratoire public ne rende public le fruit de son travail mais en conserve jalousement les droits ? Autant de gestes symptomatiques d'une manière particulièrement agressive de conduire un projet de recherche jusqu'à un aboutissement improbable.

Controverses dans les savoirs

Le débat inclut la contradiction, qu'elle soit portée par la colère ou le ressentiment et permet d'exprimer des oppositions. Peut-il les résoudre ou les dépasser ? Pas nécessairement. Il est des disputes demeurées ouvertes, campées sur des positions antagonistes. L'important est alors que le débat serve à les identifier, les reconnaitre, les exprimer, les clarifier, surtout si des décisions doivent advenir en l'absence d'un consensus. N'est-ce pas l'expérience courante des parlementaires qu'il s'agit de transmettre ? Comment procurer un enchâssement des débats et fournir des capacités de réutilisation des résultats des uns pour les autres ?

La dispute et son synonyme la disputation, désignaient au moyen-âge les débats des scholastiques : des échanges d'arguments contradictoires sur un sujet donné.

Un éclairage historique Waquet14 sur la controverse révèle une masse de publications, de débats, de recours aux tribunaux, et d'analyses sur les régimes de savoir en controverses et polémiques et disputes, et querelles, et diatribes… Une lexicographie historique montre une fluctuation du terme. Au XVIIè, sa spécialité est le débat théologique, puis devient l'expression discursive du désaccord, du conflit et de l'antagonisme. L'affrontement de Claude Saumèze, professeur de philologie, contre Nicolas Heinsius à Leyde se pousuivra jusqu'à la mort. Un traitement en privé du désaccord eu — la controverse devenu publique — fait passer au second plan la question scientifique ou l'éthique.

Jean Leclerc, théologien, historien, critique, journaliste des XVIIè et XVIIIè siècles dans “Réflexion sur les disputes des gens de lettres” rassemble les évènements qui ont eu cours sur le sujet, dictées par l'histoire et l'expérience et impliqué dans les querelles. Dans toutes les affaires de la vie civile et entre les hommes, “on ne pouvait dissiper les ténèbres de l'erreur”. La suppression radicale des querelles serait l'imposition autoritaire du silence. On ne peut donc que tolérer la dispute et son lieu.

Dans une éthique de l'attaque, il s'agira de ne rien mêler de personnel, de ne pas attribuer à la personne des propos que n'ont pas été attribué (non-subsidiarité, mais on trouvera fréquemment l'emploi sans la négation) et de veiller au respect des règles de logiques. L'étude de la diatribe se devant de limiter la taille de papier pour attaquer et défendre et comparer les ouvrages incriminés.

En définitive la querelle est légitime, utile à un monde en quête de vérité mais doit être réglée, pourvu qu'elle soit ordonnée. C'est un échange bien pratiqué, plus par souci de l'échange qu'au nom de la vérité, et pour abréger les querelles. Mais l'humour n'était pas la qualité majeure de ce XVIIè

Un autre cas d'étude sur une période plus récente parue dans la presse généraliste et spécialisée et qui concerne la littérature scientifique et ses publications est l'affaire de la mémoire de l'eau. En 1988, Jacques Benveniste, à l'INSERM, publie dans Nature : “Dégranulation des basophiles humains induite par de très hautes dilutions d'un serum”, la persistence d'une réaction immunologique a un très haut poison et une recherche homéopathique potentielle. Droit de réserve de d'éditorialiste : la revue procédereait à une expertise dans la laboratoire, accompagnée d'un expert et d'un illusioniste. Bien que la fraude ne put être révélé, un autre article fut rédigé en réponse : “High-dilution” experiment : a delusion. Benvéniste contestera la méthode et l'expertise. Les conséquences seront en avalanches pour le secteur scientifique et les laboratoires. L'unité de recherche est supprimée. En 1991, il lance le domaine de la biologique numérique, ce qui nourrit encore la polémique. Radicalisé, le débat scientifique restera limité. Le Monde avait titré sur la mémoire de la matière, une découverte française pourrait bouleverser les fondements de la physique, puis en 1997, une histoire en trois articles de la controverse : un roman feuilleton chez les scientifiques. Bénveniste publie un article, conteste l'intervention de la presse dans des sujets hautement spécialisés et regrette l'abaissement du débat ; le discrédit est jeté et s'y mêlent des parascientifiques. Un élément mal étudié dans la controverse est pointé par Jacques Testard : le poids du silence amusé de nombreux collègues. Il finira par y avoir un consensus, gagné par l'alignement des non-alignés en attente du choix de leur posture favorable.

Bénveniste est décédé en 2004. Le domaine de recherche qu'il avait lancé est aujourd'hui exploré. La controverse se manifeste sur des temps longs.

L'ingénierie des débats publics… a « tous les ingrédients de passions » entendit-on à la suite de cette même conférence. Y était défendu en premier lieu « l'approche logique du débat » suivie d'une vision très platoniste : l'existence d'une « idéosphère » et, « qu'il n'est possible de désincarner les idées en imaginant qu'elle voyages dans une empyrée ». Furent prononcés quelques paroles sur des effets de suivisme puis sur les passions qui entrent dans l'alimentation des polémiques. Comme exemple, le jury de thèse, qui se produit entre scientifiques de même discipline, la controverse du jury puis la thèse débattue.

Pour ce qui est de l'examen et les moyens d'expérimenter les théories, la controverse (ou la théorie) peut être, en science dites dures, mise à l'épreuve des faits.

Sur la nature des énoncés :

  • le contradictoire n'est pas nécessairement dans l'énoncé, qui peut être décidable, selon la forme de la preuve.
  • La contradiction est non pas présente dans l'énoncé mais dans la formulation de la preuve qui vise à déterminer s'il est décidable ou non.
  • L'objet en lui-même n'est pas contradictoire. C'est la propriété dont on l'affuble qui l'est.

Comprendre : est-ce que la preuve qui soutient l'énoncé a un caractère décidable (vrai ou faux) et dit autrement : est-ce que l'énnoncé s'accompagne d'un élément probatoire ou réfutateur ou s'appuie sur des éléments de preuve qu'il convoque ?

Pourquoi fit-on boire la ciguë à Socrate ?

L'histoire retient qu'il complotait contre Athènes, mais à quoi ? On peut supposer que les démagogues et les archontes ayant eu compris sa pensée réalisèrent la vision future qu'elle concrétise, celle d'une société organisée et orchestrée par des spécialistes, jusqu'au plus haut sommet de l'état, des esclaves, s'achevant sur une société d'esclaves dirigée par le philosophe. Le mythe moderne est celui de l'IA qu'une caste de spécialiste a conçu. À l'hyper-technicité s'adosse la bureaucratie, le contrôle de gestion et le contrôle-qualité, conçus comme des technologies et réalisés pour et par des personnes interchangeables.

Forum des débats sur le bien commun

Après quelques mois de développement, Dialoguea se présente comme une micro-plateforme, un forum, favorisant le commentaire de textes, le débat public, la méthode scientifique dans sa partie discursive, une dialectique propre à la philosophie et un outil herméneutique, sur lequel le débat peut aller plus loin que sur un tchat ou un simple forum. C'est du moins ce qu'on espère et que l'on prétend, car dans les faits, cela ne repose que sur la communauté qui l'anime. Pendant quelques temps situés entre les manifestations Nuit Debout, l'animation d'Assemblée Virtuelle12 https://www.virtual-assembly.org1212 fera souffler un vent d'espoir dans des réunions où on voit poindre un geste fédérateur.

Qu'apporte le numérique dans ce contexte ? L'opportunité de débattre à distance de manière asynchrone, en se fondant sur des principes logiques. Un participant avait ajouté : et voire uchronique, le débat pouvant se rejouer le temps ; Mais le débat n'est pas un jeu. Et pouvoir commenter des sources ne signifie pas nécessairement que l'autre peut vous entendre. Les conditions qui préexistent peuvent avoir complètement changées et chacun peut en faire l'expérience en relisant son propre texte.

Que fait-on après un débat ? On en fait un autre pourrait-on ironiser ! Du débat on réalise une restitution, une synthèse, une restitution des faits, voire même une vue d'artiste. On peut lui donner une esthétique et tenir un propos pas nécessairement consensuel, contrairement au vote qui juge sur la quantité.

Préparer des décisions en s'appuyer sur des connaissances scientifiques. Les recherches sur la décision en psychologie, en politique et dans les jeux sont intarissables. Du latin decisio — l'action de trancher une question débattue, un arrangement, une transaction, la décision apparaît souvent ainsi au singulier comme le choix dévolu au dirigeant dit aussi le “décideur”. Discours sous-entendant que des moyens d'aide à la décision existent — l'argent en est un et on peut légitimement s'interroger sur les rapports de tout temps entretenu avec la politique — mais peut-être qu'un ouvrage ou un outil qui entend prêter assistance revêt un caractère palliatif, ainsi ces ouvrages traitant de « comment devenir meilleur, gagner à tout les coups, être un battant, devenir riche, célèbre, etc. », l'ouvrage de Dominique Noguez, « comment réussir…» se classant parmi les références incontournables du genre.

Il faut bien garder présent à l'esprit que le problème est le processus de rationalisation : le problème est que l'on considère que c'est un processus (la délibération, le débat, la discussion) donc une machine. Le problème est que l'on considère que c'est un problème à résoudre donc. C'est ainsi que le système en place se corrode, et lorsque le vrai problème se présente, l'effritement, déjà bien entamé entraîne l'effondrement. On peut croire qu'une alternative “cheap” à facebook peut faire l'affaire, mais c'est se leurrer : il faut bien plus que cela et la défense de l'universel masque bien souvent la défense d'intérêts très particuliers.

Une charte du débat éthique

Dans bien des cas, l'enjeu des débats demeure la maîtrise des beaux parleurs. En politique, il se résume souvent à un exercice de communication et de séduction : une vielle histoire qui remonte au temps de Socrate qui doit se mesurer aux sophistes, dont Gorgias, Protagoras, Prodicos et Hippias d'Élée. C'est avec eux que se mesurent Socrate, puis Platon, antisophistes et à certains égards sophistes eux-mêmes.

Apprentis tyrans, pour certains, qui entendaient séduire les foules, emporter leurs suffrages par d’habiles stratégies et construire par une rhétorique le chemin du pouvoir et de la réussite personnelle… La sophistique en science et au pouvoir ;

  • Le texte de forum des débats13archive.org:forum-debats.fr1313 établit ceci dans la charte du débat éthique : « Scientifiques, administrateurs et politiciens sont parties prenantes dans de grands débats sur des préoccupations collectives pour lesquels la nécessité existe de ne décider qu’après des débats loyaux et ouverts.

    Aller en direction d’une loyauté et d’une éthique du débat est fondé sur quatre critères :

    1. La collégialité : guider les actions d’un groupe de personnes (le collège) ayant le même statut et assumant les décisions prises par la majorité de ses membres, sans en oublier aucun.
    2. La subsidiarité : veiller à ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l’être avec plus d’efficacité à une échelle plus basse, c’est-à-dire la recherche du niveau pertinent d’action publique. C’est aussi veiller à ne pas se prononcer à la place des autres.
    3. La transparence : par des protocoles clairs et intelligibles pour tous.
    4. Le secret : le respect de la vie privé et de la propriété intellectuelle. »

Dans un débat il faut être en mesure d'identifier qui parle. Participer ou dire quelque chose de manière anonyme est parfois nécessaire, mais ceci ne peut être la norme. Risque sinon de se déployer une fabrique du discours tenue et mise en place par quelques-uns qui peuvent attester à la place des autres ce qui s'est dit séance tenante.

« Le principe de subsidiarité, vaguement issu d'une tradition d'église où on ne l'a jamais vraiment utilisé Wolton97, était le principe où l'on devait distinguer ce qui relevait de la compétence européenne de ce qui relevait des États-nations. Selon ce concept miracle, tout ce qui pouvait être entrepris à un niveau subalterne ne relevait pas de la compétence européenne ; les débats, notamment lors de Maastriicht en 91-92 ont été sans fin entre les partisans et les adversaires de la subsidiarité, chacun s'envoyant à la tête des exemples qui ne convainquaient personne, tant les Européens, vieux peuple rompu à la politique, savent très bien que la tendance de tout pouvoir est d'intervenir jusqu'au niveau les plus bas, sans respecter aucune règle. L'abus du mot “subsidiarité” dans le débat sur Maastricht l'avait essoré pour un bon moment, et les hommes politiques se gardèrent ensuite d'y faire trop référence. Preuve une fois de plus que les liens entre tradition et nouveauté ne sont pas facile à tisser.

On ne peut pas se contenter de tout vouloir inventer pour inventer, et il ne suffit pas non plus de trouver dans la caisse à outils politique de la tradition politique occidentale, fût-elle religieuse, un mot ancien pour qu'il structure l'avenir. Les déboires du mot subsidiarité devraient faire réfléchir tout ceux qui s'imaginent pourvoir faire surgir des concepts nouveaux dans le champs politique européen. »

Le grand pari est désormais d'inventer des méthodes de management qui permettent d'impliquer, de responsabiliser un maximum de gens. C'est un système qui applique le principe de « subsidiarité »: tout échelon supérieur s'interdit de réaliser lui-même ce qu'un échelon inférieur pourrait faire. Il s'agit d'une délégation à l'envers par rapport au système antérieur où le président déléguait ses pouvoirs à la base MondeAffaires89.

La charte du débat éthique de 2015

La contribution du public au gouvernement des affaires publiques est un facteur de robustesse des décisions politiques, avérée de plus en plus nécessaire face à la complexité d’enjeux drastiques et fortement techniques. Il s’agit d’aider à une co-évolution des parties prenantes qui ne peuvent vivre en cohérence et en confiance, sans devenir des « parties apprenantes et comprenantes ».

Dans ce processus réflexif, les publics autonomes coopèrent à la construction des modalités de débats favorables à leur montée en compétence et en influence. Les dispositifs, adaptés à l’émergence de débats publics argumentés sur des thématiques concernant l’ensemble des acteurs se la société, vont permettre de concevoir autrement le dialogue avec les experts et scientifiques. Car la science d’aujourd’hui se doit de participer à ce défi social : les scientifiques, comme les citoyens, les administrateurs et les politiciens, sont parties prenantes dans les grands débats concernant des défis planétaires, pour lesquels la nécessité existe de ne décider qu’après des débats loyaux et ouverts.

[ suivent les 4 critères établis précédement ]

Commentaire

La contribution du public au gouvernement des affaires publiques est un facteur de robustesse des décisions politiques, avérée de plus en plus nécessaire…

  • [2020-05-07 jeu. 19:20] Robustesse avérée si je suis bien.

    Mais la jonction directe de la proposition suivante donne une sensation bizarre, peut-être avérée et de plus en plus nécessaire ? Si elle est avérée, où, et quand, sur quelle base ? Pourquoi, si on l'a eue entre les mains, est-elle diluée, disparue, pourquoi aurait-on cessé de solliciter, ou de mobiliser, de mettre en mouvement la contribution publique ? C'est visiblement un élément de contexte majeur qui positionne ce texte, et le cerner, le nommer, en donner une évocation serait très favorable.

…face à la complexité d'enjeux drastiques et fortement techniques.

  • [2020-05-07 jeu. 19:23] Je ne vois pas de façon évidente de quels enjeux on parle, de ceux qui se trament dans la société, en général ?

    Il serait bon d'en donner au moins l'equisse, de les évoquer, sans trop s'y enfoncer et en évitant les tartes à la crème.

    Il n'y a pas que l'aspect technique qui puisse contribuer à la complexité —ce que laisse bien entendre la tournure—, il n'y a pas non plus que la technique qui engendre de la complexité ; Même si toujours, la complexité caractérise essentiellement les représentations que se font les hommes, qui peuvent les mener parfois, lorsqu'une situation déborde leurs concepts, à se sentir saturés d'un autre phénomène passible d'une appellation de complexité, mais cette fois, ressentie comme du monde.

  • [2020-05-07 jeu. 19:28] Il se trouve, que le public n'est pas directement en mesure d'avoir une voix sur des sujets techniques.

    C'est ce qui avait présidé semble-t-il à ce que les Grecs fassent une partition stricte entre les registres techniques et le débat de valeurs, la présence dans l'un excluant l'autre.

    L'expérience montre que quand on soumet à des personnes «raisonnables» un sujet, qui peut mobiliser une technique difficile, comme dans les jurys d'assises, ou encore, dans les commissions locales (dont le nom exact m'échappe), sur les installations classées (usines, etc.), les personnes s'impliquent pour se donner une maîtrise du sujet, d'une façon qui laisse entendre que si le public n'apporte pas de contribution aux décisions publiques, c'est qu'il y a un canal d'expression qui ne se forme pas.

Il s'agit d'aider à une coévolution des parties prenantes qui ne peuvent vivre en cohérence et en confiance, sans devenir des « parties apprenantes et comprenantes ».

  • [2020-05-07 jeu. 19:36] Ici on est entré directement dans l'arène d'un débat, les parties prenantes adéquates sont déjà là, sans lacune, il y a un amphithéâtre de fait, établi.

    Ça arrive un peu à la catapulte, et justement, il me semble percevoir que c'est cette partie-là qui est défaillante.

    Peut-être est-ce qu'on pense qu'en réussissant une scène de débat, même partielle dans le public qu'elle aura agrégé, on fait monter la sauce (l'assos. ?), et la réussite convie de fait un public élargi.

    C'est tout à fait défendable, mais il faudrait l'amener dans le propos.

  • [2020-05-07 jeu. 19:40] Ce qui se tient, ce sont des échanges de langage.

    J'ai trouvé chez George Steiner exactement ce que je pensais, à savoir que chaque locuteur invente, à la marge, mais de façon essentielle, sa propre version de la langue dont il partage un flot commun avec son milieu culturel ; autrement dit, parler, c'est traduire, et en effet, c'est une façon de reconnaître l'étrangeté a priori de n'importe quel congénère, et pour traduire, il faudra de surcroît admettre pleinement que son point de vue, son référentiel individuel est tout aussi légitime que le nôtre, du moment qu'on peut toujours tendre la main pour le ramener à la table de la discussion, que les échanges ne divergent pas en attaques personnelles ou dans le registre d'autres violences, d'autres irrespects d'autrui.

    Je crois qu'il faut énoncer quelque chose dans ce goût, qui donne sa place aux termes de confiance, de volonté de cohérence (mais pas de vue unitaire !), cohérence qui est avant tout, et presqu'uniquement la volonté de poursuivre les échanges, de réitérer le jeu infini de la vie, et non de régler un problème, bien calibré avec l'agorithme idoine fourgué dans une machine de Turing universelle, qui termine, et promptement, encore, on n'a pas que ça à faire.

    Les termes apprenantes et comprenantes, sont alors solidaires de cet énoncé de Babel. Un mythe qui est sous-considéré, littéralement occulté, alors qu'il est d'une importance majeure. Parce qu'il l'est.

    La revendication d'universalité de l'Occident (et pas que pour la déclaration des droits de l'homme), n'est qu'une amplification d'une perte de contact avec le sol, avec les autres, véritablement autres, qui avait déjà frappé les Grecs.

  • [2020-05-07 jeu. 20:18] Sinon apprenantes et comprenantes, c'est un peu jargon, je préférerais écrire, décrire qu'on apprend, etc.

Dans ce processus réflexif, les publics autonomes coopèrent à la construction des modalités de débats favorables à leur montée en compétence et en influence.

  • [2020-05-07 jeu. 19:49] Bon, mais comment s'amorce cette arène ?

    Et puis, comme point d'embrayage, il faut des conditions minimales de respect, d'un genre que j'ai essayé d'évoquer, sinon on a des possibilités de divergence, ou de sécession dont on a pléthore d'exemples.

    On est bien une société qui fabrique la radicalisation, et plus largement l'exacerbation de toutes sortes de particularismes.

Les dispositifs,…

  • [2020-05-07 jeu. 19:53] Quels dispositifs ?

    Le terme «dispositif» est issu du vocabulaire militaire dujarier2017management, apparu à la fin du XVIIIe siècle. Il désigne précisément un « ensemble des moyens disposés conformément à un plan ». Il est abstrait et permet de préparer les batailles. Importé dans les entreprises, le mot s'apparente au planning, à l'organisation détaillée de l'action avant qu'elle ait lieu et déterminée loin d'elle. C'est cette caractéristique sociologique centrale qui nous amène à regrouper sous le même terme des pratiques managériales pourtant en apparence diverses, changeantes et aux noms abscons. Leur diversité formelle — Ici il lui manque la notion de ce qu'est formel, toutes ces pratiques reviennent formellement, au sens mathématique, au même, abstraitement au même — pourrait laisser penser qu'il n'est possible de les analyser qu'une à une, comme cela se fait généralement tant dans les pratiques managériales que dans la recherche. Ce livre montre qu'elle cache en fait une régularité sociologique, du point de vue de l'encadrement du travail. La conception en « plan » de l'activité productive est une constante derrière le foisonnement et l'agitation des « outils », « techniques » et autres « démarches » managériales. En définition de chaque tâche, comme une machine.

    Foucault (2001) définit le dispositif comme « un ensemble relativement hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques : bref, du dit aussi bien que du non-dit ». Agamben (2007) précise cette définition en spécifiant ce que fait faire le dispositif : « J'appelle dispositif tout ce qui a, d'une manière ou d'une autre, la capacité de capturer, d'orienter, de déterminer, d'intercepter, de modeler, de contrôler et d'assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants. »

adaptés à l'émergence de débats publics argumentés sur des thématiques concernant l'ensemble des acteurs de la société,…

  • [2020-05-07 jeu. 19:52] Je n'aime pas ce terme acteurs, qu'est-ce qu'il y a d'autre que des acteurs, et de qui parle-t-on, de personnes, de groupes d'influence… ?

… vont permettre de concevoir autrement le dialogue avec les experts et scientifiques.

  • [2020-05-07 jeu. 20:03] Mais pourquoi ces deux lascars-là
    déboulent-ils sur la scène ? Qui les a invités ? Pourquoi ? S'ils doivent y occuper une place, il faut la décrire.

Car la science d'aujourd'hui se doit de participer à ce défi social : les scientifiques, comme les citoyens, les administrateurs et les politiciens, sont parties prenantes dans les grands débats

  • [2020-05-07 jeu. 20:19] Il faut dire, il faut avoir dit ce qu'est ce défi social ; réussir à concevoir notre monde, l'état de crise qui le traverse, se décider à reconnaître qu'on est emportés par le flot, et qu'on n'y comprend rien, qu'on n'a plus de catégories nous permettant d'appréhender le réel —c'est ça, une crise, une vraie—, ou est-ce que je me trompe ?

    Ou le défi est-il de retrouver la faculté à débattre ?

  • [2020-05-07 jeu. 20:05] S'ils sont parties prenantes, établies,
    alors tout va bien : le débat a lieu.

    Qu'est-ce qui ne va pas ?

  • [2020-05-07 jeu. 20:06] Ces catégories me dérangent, toutes ces personnes sont «des citoyens», également, et on distribue des rôles qui ont l'air manifestes, mais n'y a-t-il que ceux-là, est-ce qu'on a décrit toute la plage, pourquoi ceux-là en particulier ?

    Il me semble qu'il y a force organisations qui se vouent à faire pression sur les organes politiques, législatifs, etc., notamment. Et qui ne pèsent pas pour peu dans les actes collectifs.

concernant des défis planétaires, pour lesquels la nécessité existe…

  • [2020-05-07 jeu. 20:08] Pourquoi tout d'un coup les défis planétaires, et pourquoi sont-ils planétaires, et ces défis planétaires, lesquels sont-ils ? On les a éludés au début de la charte, voilà qu'on les fait débarquer ; En prime, il semble que ce ne soit que pour ceux-là qu'il y ait nécessité, d'un débat je suppose…

… de ne décider qu'après…

  • [2020-05-07 jeu. 20:10] La tournure, « nécessité existe est gau­che. Elle est particulièrement cruciale, peut-être. Ou peut-être est-ce pour ces questions, spécialement, que le débat est défaillant.

    Mais alors, il importe d'avoir dit de quoi on parle.

    Parce que si ça se trouve, autrui a une perception bien différente des choses. (Sincèrement, j'entends.) Ou autrui aura motivation à faire entendre un point de vue diamétralement différent.

    Dans tous les cas, on ne peut pas effacer ces divergences, et donc, il me semble, le rédacteur de la charte doit déclarer sincèrement son point de vue.

    Et pas le point de vue de nulle part de la science, la connaissance sans sujet connaissant, pareillement revendiquée.

…des débats loyaux et ouverts.

  • [2020-05-07 jeu. 20:04] Loyaux et ouverts, c'est ce qui doit avoir été dit un peu plus haut.

    On a vu que ça se ramène à des modalités de respect mutuel, ou quelque chose comme ça.

  • [2020-05-07 jeu. 20:22] À part ça, la tournure laisse entendre que pour tout le reste, on peut jouer de traîtrise et d'opacité.

    Quant à cette question de l'ouverture et de l'opacité, de la fermeture, elle n'est pas triviale (voir Kursh.1971). Justement, trouver à en dire quelque chose, ce serait fantastique.

  • [2020-05-07 jeu. 20:23] Mes idées, c'est que ce qui faisait entité, et qui s'est sédimenté dans les structures de notre société, et à quoi nous sommes accoutumés, est radicalement remis en cause notamment par l'avènement des réseaux numérique, par des modalités nouvelles et déployées dont se connectent les choses de notre monde.

    C'est en bonne partie la raison pour laquelle nous avons des catégories périmées, souvent inopérantes, pour penser notre temps.

Aller en direction d'une loyauté et d'une éthique du débat est fondé sur quatre critères :

1. Collégialité : guider les actions d'un groupe de personnes (le collège) ayant le même statut et assumant les décisions prises par la majorité de ses membres, sans en oublier aucun.

  • [2020-05-07 jeu. 20:26] Tiens, tu as déjà statué sur le type de vote, alors que tu avais plein de réflexions là-dessus, et que justement, peut-être, le problème de notre temps est, notamment cette composante de la prise de décision ?

2. Subsidiarité : veiller à ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l'être avec plus d'efficacité à une échelle plus basse, c'est-à-dire la recherche du niveau pertinent d'action publique.

  • [2020-05-07 jeu. 20:29] Là, avec «élevé» tu te réfères implicitement à une hiérarchie (du moins c'est une façon probable de l'interpréter) qui peut être supposée d'entités spatiales (des parties d'ensembles successivement emboîtés, comme on le fait administrativement — mais il n'y a pas qu'une hiérarchie, il y a un entrelacs invraisemblable, avec une multiplication des entités comme de petits pains, pour toutes les sortes de choses qu'on trouve bon de devoir administrer, du genre, un bassin versant, une rivière, une profession…).

    Ensuite tu dis «échelle», ce qui semble confirmer l'interprétation ;

    Mêmes remarques.

    Bien sûr qu'il y a des effets de ce genre, mais par exemple, si on prend la succession région, nation, union de nations, «internation», et qu'on considère le droit, on se rend compte qu'il se passe un fouillis innommable, avec les traités internationaux qui viennent recouper le droit national, de façon très hétéroclite.

    Bref, les rôles sont mal distibués.

  • [2020-05-07 jeu. 20:34] J'aurais tendance à suivre mes propres idées, et je ne suis pas le seul à clamer cette évidence :

    il me semble que la reprise en main de la conduite de nos affaires (en toute généralité), avoir la sensation d'avoir barre sur ce qui nous arrive, passe par une relocalisation des échanges, se retisser dans un mode de vie étroitement coordonné à nos milieux, notamment pratiquer une agriculture idoine de ce point de vue, avoir une véritable localité, c'est-à-dire («entitation»), plus de liens locaux que de liens distants, (short-range activation and long-range inhibition, ces équilibres duaux sont absolument partout dans tous les phénomènes qu'on peut considérer autour de nous, si on veut bien avoir ce regard ; En écoutant La Méthode scientifique d'Hélène Courtois tu peux déceler que les structures de très grande envergure qu'elle a contribué à observer dans l'univers, résultent de la prééminence de la gravitation à relativement courte distance par rapport à l'expansion de l'espace, qui domine à plus grande distance, ce qui donne des filaments de galaxies en quelque sorte, un peu comme des fascias dans l'organisme), et cela suppose de juguler les transports, de cesser de trimbaler maladivement des espèces, que ce soit de celles qui vont nous apporter des invasions de plantes, d'animaux, ou de microbes, cesser de mettre en court-circuit des compartiments vivants, qui se résolvent alors en soupe indifférenciée, c'est-à-dire, cesser de massacrer les milieux vivants, la «biodiversité», comme le veut ce terme qui est devenu la méga-tarte à la crème.

    Les monnaies locales, par exemples, sont une reprise en mains de ce qui nous arrive, ici, et maintenant, d'une manière et à une portée qui nous est accessible.

    Plutôt que de déblatérer sur des engagements pour 2380 (ou peut-être, 2030, 2050), et, tu auras noté, des engagements sur des phénomènes dont on n'a pas la conduite, comme le réchauffement climatique — qui a le thermostat ? Personne —, et donc, par-dessus le marché (bien sûr, tout problème se résout par un marché, concurrentiel, le dispositif général à optimiser l'univers), comme on le disait, à des échéances où rien n'indique qu'on pourra venir nous en demander des comptes.

C'est aussi veiller à ne pas se prononcer à la place des autres.

  • [2020-05-07 jeu. 20:53] Généralisation intéressante, et en même temps, comme dans presque tout ce que l'on dit, on table sur des choses qu'on nous a dites, et qu'on n'aura eu que très partiellement loisir de vérifier soigneusement, il importe de façon majeure de se tisser en réseau, c'est-à-dire de dire de qui on tient ce qu'on avance, de citer, de se localiser, s'indidualiser, s'autonomiser, c'est-à-dire, ne pas compter que tous pourront aller suivre tous renvois que je fais, et donc, tout en donnant la référence, je dois prendre la peine extrême de lui adjoindre une image que je juge expressive, fidèle, de ce qu'il y a au bout de la référence, et qui permet de clore ce que j'ai dit aux limites de ce que j'ai dit, de se couper du réseau, de former une archive autoporteuse. De faire archives. (Archives, strictement, est un nom féminin pluriel.)

3. Transparence : par des protocoles clairs et intelligible pour tous.

4. Secret : le respect de la vie privée et de la propriété intellectuelle.

  • [2020-05-07 jeu. 20:58] Celle-ci, fondamentalement, dans son essence, se rattache tout d'abord à ce que je disais à l'instant, omer davar beshem omro (Pirkei avot), dire quelque chose au nom de celui qui l'a dit, quiconque dit quelque chose au nom de celui qui l'a dit, apporte de la rédemption au monde.

Comment restituer de long débats ?

La restitution est un ouvrage subjectif. Pour qu'elle puisse être acceptée par un collectif, il faut : soit un comité éditorial fermé, avec ces règles propres, ou bien un comité ouvert (de type open science), avec des règles de modération transparentes, capable de procéder à une édition collective.

Démocratie, numérique et fonction publique

On ne peut pas dire que ces dernières années la tendance a été à l'encouragement de la fonction publique. Dans quels contextes ont été pensées les sciences de l'argumentation et du numérique ? Faire fonctionner des équipes soudées à l'intérieur de laboratoires pour pouvoir assister les politiques publiques par la mise en réseau sur des canaux communs et partagés — pour l'éducation, les territoires, l'animation et la vulgarisation scientifique — tout ceci pour favoriser des débats civilisés et orchestrés par un noyau d'intellectuels apparaît comme un horizon plus raisonnanble que l'objectif entreprenarial soutenu par la théorie du capital humain des économistes. « Ce nouveau type d'humain promu par le néo-libéralisme : un porteur de capital fait d'un certain nombre d'aptitudes destiné à être contracté, enrichi, développé. L'entreprenariat général de soit » dixit Frédéric Lordon travail-salaire-profit-2019.

L'existence d'un marché de la démocratie participative Nonjon_Mazeaud_18,GA18, symptomatique de l'existence de cet autre marché global qui entend résoudre tous les problème d'une startup nation, offre l'opportunité de financer, avec des fonds publics, un même projet trois fois : présenté sous des angles différents, le « financement sur projet » qui permet de capter trois sources de fonds n'est pas tant un problème en tant que tel. Ce qui est discutable, c'est l'administration, l'inter-médiation, la bureaucratie et la quantité anormale de procédures et de formulaires et d'intendances que cela encourt, qu'il faut nourrir et que les intermédiaires ont intérêts à entretenir. Là où une mission publique bien informée serait nécessaire, se cultivent des aréopages de partenariats et de sous-traitances et une manière d'échapper aux marchés publics. Ce qui démontre combien ont été désolidarisées les activités académiques. Dès lors, les travaux de programmations et d'administrations des plateformes seront considérée comme des tâches subalternes, résultantes de fabrications qui doivent être sous-traitées et non d'un travail intellectuel bloch2005systemes. L'exercice du partage des connaissance, triées à l'avance, exigeant des accréditations particulières pour pouvoir y assister, sont des appels à grands cris à “l'interdisciplinarité” mais qui se heurtent à la simple difficulté de franchir leur propres murs, mais qu'importe désormais, puisque les vidéos sont consultables sur le web ! Et enfin le point de vue des spécialistes sur la réglementation qu'ils réservent au conseils des politiques et aux autres spécialistes de leurs domaines se résument en grande partie à un bref exercice de communication publique et au papier trimestriel qui reprend à peu de frais la rédaction précédente. Ces trois facteurs contribuent à l'édification régulières d'impostures qui produisent les apparences d'une recherche en bonne santé mais sans en avoir la teneur.

Le débat scientifique sur le débat numérique n'est pas allé plus loin qu'un feu nourri dans le forum ni au-delà du constat béat de l'influence exercée par Cambridge Analytics.

La plateforme de débat numérique qui sera utilisée par l'université dans le projet AREN sera une copie de celle réalisé par la spinoff Cartodébat et la troisième tentative d'en faire une ; Ce n'est plus du plagiat, mais de la copie conforme et la démonstration de l'incapacité de faire surgir un programme éducatif libre.

Opportunisme politique et commercial, communication et marketing ont trouvé là un terrain d'entente et en sus avec la bénédiction du CNRS. Sous quelles conditions ? Aucune. si ce n'est l'estime qu'il est possible d'en retirer, la part attribuée aux recherches n'a d'autres retombées que les nouvelles connaissances qu'elles auront produites et l'objet : une “innovation”, une plateforme, suivant son propre et lent parcours pour répondre à la demande et aux perspectives futures des technologies de l'information et de la communication, très largement émancipée des recherches qui l'ont produites. Une palette de noms viendront tout de même s'épingler au projet AREN inachevé. Des invités privés auront même le privilège de capter des parts substantielles de financements, s'attribuant des travaux dans le rôle de la « visualisation », cependant que — nouveau traitement de faveur — chacun peut témoigner qu'ils ont à peine fait acte de présence.

À ce stade, ce qui nous frappe, c'est l'impuissance et l'incurie des pouvoirs publics et des responsables politiques. Tout ce monde adossé de sociologues et de juristes et d'universitaires encourage le bourgeonnement de nouvelles structures sociales et technologiques dont ils ne pourront se départir par la suite, pendant que de vrais projets de recherche audacieux et ambitieux sont privés de moyens. Comment un mode d'organisation aussi anti-démocratique pourrait-il bien prétendre amener à plus de démocratie ? Car ce n'est plus l'exercice du débat qui est proposé — celui-ci ne peut se tenir que dans les lieux où il avait cours — mais bien une société du lobyyisme en puissance, privilégiant les rapports de pouvoirs et d'influences. Sans vraiment s'en rendre compte, la classe sociale censée penser et imaginer le futur se constitue en une société du narcissisme.

Dans les sociétés du narcissisme, les électeurs comme leur élus sont centrés sur la réalisation persistante d'eux-mêmes au détriment de la relation aux autres, figés sur le présent et incapables de différer leur satisfaction. Peut-être que les français n'ont-ils que la classe politique qu'ils méritent. Le « moi-isme » règne sur les écrans post-modernes […] tout le monde parle et personne ne dit rien […] il y a la même différence entre la démocratie représentative et la démocratie directe qu'entre un portrait et un instantané rectifié par photoshop […] L'ère des médias désigne justement un état de fait où les medias ne médiatisent plus rien, mais transmettent vers le haut les résultats des sondages et vers le bas les « éléments de langage » SCHNEIDER13.

Elle-même sociale et scientifique, une question que l'étude de Pallarès Pallarès19 laisse de côté est pourquoi il est important que la pédagogie assiste les capacités de développement d'une argumentation ?

La science enquête sur tout et la science se pratique par des citoyens. Se posent des tas de questions sociales et scientifiques, telles que l'avenir des sociétés et quels progrès scientifiques, tout particulièrement ceux qui affleurent dans des domaines que peuvent mobiliser les élèves : les techniques, les relations sociales, l'économie, la politique, l'axiologie, la santé, l'environnement et les savoirs scientifiques eux-mêmes. C'est au regard des connaissances et des domaines qu'ils sollicitent que la « qualité de l'argumentation », est « évaluée ». Mais enfin le pré-requis reste tout de même que les connaissances appelées en renfort aient des raisons d'être exhibées, qu'elles soient à propos, et en lien directement ou indirectement avec un cours et un discours cohérent.

Les tentatives de classification des compétences argumentatives, en ensembles tels que rhétorique, dialectique, épistémique et critique, sonnent comme des exemples de séparation de la pensée, en quête de ses propres fragments. Certainement il eut été adéquat d'avoir des exemples de discours d'élèves.

Rechercher des structures régulières où l'expression scientifique la plus rigoureuse est mathématique et ne comporte pas de sujet a pour conséquence que les sujets et les observateurs s'effacent systématiquement pour laisser la place à des phénomènes qui se transportent et se justifient d'eux-mêmes. Or la phénoménologie même va, court, est tendue en direction du sujet humain, de son esprit et de sa perception. Cela se produit par un phénomène mimétique d'une part, et de l'autre, car nous sommes fortement encouragés dès nos plus jeunes âges, à raisonner ainsi avec des problèmes à sens unique.

Dans la splendeur de la cité grecque antique, quel est l'instrument par excellence de l'influence, Quelle est la clé qui ouvre la porte des honneurs ? La route qui mène la porte aux postes de commandements ? C'est essentiellement la parole. La langage même l'identifie avec la raison, car c'est le même mot : λόγος.

Pris dans le labyrinthe des constructions formelles, nous ne saurions que faire de cires et de plumes, lors que nous n'avons d'autre espérance que de s'élever, et, avec une prise de recul suffisante, former une image d'ensemble.

Pourquoi écrire

Un bon point de départ pour une recherche est une revue de la littérature existante, l'objet étant moins de faire avancer collectivement La Recherche, que d'évaluer l'état de nos propres connaissances et de s'assurer que nous savons ce que nous sommes en train de faire pour deviner les effets et les répercussions qu'elles peuvent avoir.

Lorsque j'annonçais à une collègue impliquée qu'écrire au sujet de l'activité que nous menions devenait urgent pour parvenir à comprendre ce que nous vivions, elle me répondit : « Écrire ? Mais que veux-tu écrire ? »

La question se pose en effet et ce qu'il y a de si particulier dans le contexte politique instable que nous traversons et qui nous emmène dangereusement dans une ère post-démocratique — c'est qu'il y a des personnes qui questionnent la légitimité d'une émancipation, des recherches et d'une éthique. La seule attitude qui vaille pour quiconque en a les moyens et entend ou prétend rédiger une charte du débat numérique serait de les encourager.

Tout ceci indique assez nettement les lieux de délabrements de la pensée critique occidentale. Le visage de la post-démocratie s'incarne sous les traits de politiciens, de bureaucrates, de managers des ressources humaines et de designers en tout genres, promoteurs « d'ingénieries du sensible » ou de design de politiques publiques, tous prompts à exhiber des paires de mots associés-collés, que l'on touve plus volontairement dans le marketing, pour tenter de se situer dans des registres croient-ils conceptuels ou méthodologiques, mais en définitive ne parvenant qu'à agiter le spectacle de la pseudo-intellection. « Un peu de novlangue ne fait pas de mal » ? Si. Et même beaucoup.

Mais chacun reste libre de se prononcer et de donner son avis sur ce que l'organisation collective doit ou devrait être. Une fois institutionnalisées, des communications s'articulant majoritairement autour des mots-clés et de calendriers de réunions qui définissent quand se tiendront les prochaines réunions peuvent dès lors se tenir régulièrement. Un peu de temps sera souvent perdu pour parvenir à coordonner correctement ces groupes en visio-conférence ou trouver les câbles des projecteurs : la pseudo-communi­cation — bien que nécessaire pour le déroulement des démocraties — devient disproportionnée.

Et une fois saisie la précession de la forme sur le fond, embellie pour palier au vide, ne nous reste plus qu'à crever la baudruche.

Malgré l'intrication académique, l'omniprésence des unités de recherches, les relations continues avec les établissements publics et ses quelques chercheurs qui tolèrent les parias de mon genre, les articles qui se suivent — et qui égrainent des noms d'auteurs qui n'auront même pas l'occasion de prendre connaissances des papiers en questions, qu'importe pourvu qu'il y ait des noms ! — rien n'y fait : nulle réflexion de fond, aucune recherche, aucun débat ; tout semble cousu de fil blanc pour que la politique serve un seul objectif : capter des financements et se faire voir.

Pour ceux qui feignent de ne pas comprendre, il n'est donc pas concevable que je puisse réaliser autre chose que les basses œuvres de l'Université, et leur assitance technique et, n'étant nullement incité à la rédaction, celle-ci s'avèrera harassante et laborieuse. Si je parle encore de démocratie, c'est ici dans sa version escamotée en somme, par de la “communicatique” et, dans sa forme spécialisée mais dépouillée de réflexion de fond, de “débatique” et qui plus est en phase de satiation sémantique, tant le mot débat aura été répété et essoré, qu'à la fin il peut se vider de son sens.

N'étant pas capable de saisir ce qu'est l'informatique, ce mot banni, une designer disait : « je ne vais pas faire du numérique toute ma vie ». Ne sachant vraiment de quoi elle parlait, car que peut bien vouloir dire : « faire du numérique » ? Une certaine somme de connaissance est nécessaire pour parvenir à concevoir et préserver un réseau de communication, un lieu de discussion organisé, constamment disponible pour le plus grand nombre et agréablement illustré. Il semble raisonnable de vouloir garder visible le lieu de la discussion, au-delà de sa propre capacité à le faire exister. Se prépare-t-on encore à faire du jetable, à effacer des informations ? À tourner des pages blanches là où s'étaient organisés des dialogues mûris ? Il faudra encore davantage de connaissances et de patience pour aboutir à une critique constructive et inventer une alternative durable, d'un medium qui, comme chaque medium, conditionne les relations de pouvoirs soules2007-Innis.

« Un long processus a vu le cheval de Troie de la communication pénétrer l'univers clos du politique, s'inviter dans la conquête et l'exercice du pouvoir, y jouant un rôle de plus en plus important imposant sa rationalité à la raison d'État, la surdéterminant, la corrodant jusqu'à se substituer à elle : la communication est devenue la raison d'être de la politique et les spin doctors (les conseillers en communications) en ont pris le contrôle […] Le travail des spin doctors se prolonge ensuite vers celui des story spinners qui ont désormais pour tâche de synchroniser la mise en mouvement de l'opinion et la mise en récit des évènements […] La recherche du buzz et du clic permanent n'est pas qu'intempérance : une stratégie politique ou plutôt anti-politique est à l'œuvre […] Une passion pour la déréglementation […] Il ne s'agit pas simplement d'un dérèglement de l'information, mais de la désintégration de tout l'espace de délibération qui est inhérent à toute démocratie […] Les fausses nouvelles, les factoïdes de Reagan, ont toujours existé bien avant l'arrivée des fake news. » Salmon19

En 2008 ouvre le Media Lab, un laboratoire du MIT consacré à la narration du futur (Center for Future Storytelling). Leur recherche portent sur les moyens de capturer et de partager nos informations visuelles. Comment créer des connections entre notre environnement physiques et nos sources d'informations, de manière influentes. Comment créer des systèmes de communications qui comprennent mieux le flux qu'ils transportent et l'utilisent pour créer des connections plus riches parmi les utilisateurs. Comment créer des réseaux sociaux, qui interagissent, collaborent et apprennent avec les gens en tant que partenaires. Comment les réseaux de senseurs augmentent et médiatisent l'expérience humaine, l'interaction et la perception. Comment créer des bâtiments et des villes qui "répondent” plus intelligemment aux besoins et aux désirs de leurs habitants.

Ce laboratoire ouvrit peu de temps après la grève des scénaristes américains (Writers Guild of America). A cheval sur l'année précédente, la grève avait réuni 12000 scénaristes et avait eu pour conséquence d'interrompre les tournages d'une quinzaine de séries, certaines allant jusqu'à reprendre ce thème à l'intérieur même de leur récit.

[2020-12-09 mer. 07:46] La banalité et la non-décision sont au centre de la situation : l'individu préoccupé par le gain et la vente, par le spectacle et l'imposture, somme son entourage de ne pas penser et de le conformer à une configuration, de le modeler à une situation dont il espère tirer un profit. Lui-même personnage conforme et influencé, disposé à abstraire le fond pour ne discuter que des apparences, spectateur d'une fiction hypnotique au quotidien.

Matrice médiatrice

Comme le rappelle Žižek Zizek99, il est bien connu que dans la plupart des ascenseurs le bouton “fermer les portes” est un placebo totalement dysfonctionnel, placé là seulement pour donner aux individus l'impression que d'une certain façon ils participent, contribuant à la vitesse du voyage de l'ascenseur. Quand on presse le bouton, les portes se ferment exactement au même moment que si on avait pressé le bouton de l'étage sans “accélérer” le processus en appuyant aussi sur le bouton “fermer les portes”. Ce cas extrême et limpide de fausse participation est une métaphore appropriée pour la participation des individus à notre processus politique postmoderne. Ceci est de l'occasionalisme le plus pur. Selon Malebranche Malebranche1712, nous sommes tout le temps en train de presser de tels boutons, et c'est l'activité incessante de Dieu qui les coordonne entre elles avec les évènements qui en découlent (les portes de referment), tandis que nous croyons que c'est le résultat de notre pression.

Pour cette raison, il est crucial de maintenir ouverte cette ambiguïté radicale sur comment et de quelle manière le cyberespace affecte nos vies. Cela ne dépend pas de la technologie en temps que telle, mais de son mode d'incrustation sociale. La possibilité est offerte pour celui qui manipule la machinerie, qui fait fonctionner le cyberespace, de littéralement voler notre corps virtuel, nous privant de son contrôle, de telle sorte qu'on ne peut plus désigner ce corps comme “le sien”.

Ce que l'on rencontre ici est l'ambiguïté constitutive de la notion de médiatisation : originellement la notion désigne le geste par lequel un sujet est dépossédé de son droit direct et immédiat de prendre des décisions. Le grand maître en médiatisation politique était Napoléon qui laissa aux monarques conquis l'apparence du pouvoir tandis qu'ils n'étaient plus en positions de l'exercer. A un niveau plus général, on peut dire qu'une telle “médiatisation” d'un monarque défini la monarchie constitutionnelle : ici, le monarque est réduit au simple geste symbolique et formel de mettre les points sur les « i », de signer et donc de conférer la force performative aux décrets dont le contenu est déterminé par le gouvernement élu.

Et est-ce que, Mutatis mutandis, il n'en irait pas de même pour la numérisation progressive de nos vies quotidiennes, au cours de laquelle le sujet est aussi de plus en plus “médiatisé”, imperceptiblement dépouillé de son pouvoir, sous le faux déguisement de son augmentation ?

Quand notre corps est médiatisé (saisi dans le réseau de média électronique), il est simultanément exposé aux menaces d'une “prolétarisation” radicale: le sujet est potentiellement réduit au pur $ymbole, puisque sa propre expérience peut être volée, manipulée, régulée par l'Autre machiniste.

On peut à nouveau percevoir, comment la perspective d'une virtualisation radicale confère à l'ordinateur une position pour laquelle il est strictement homologue à Dieu dans l'occasionalisme Malebranchéen : puisque l'ordinateur coordonne les relations entre l'esprit et (ce que j'expérimente comme) le mouvement.

Plateforme politique

Justifié par une défense de la parole des citoyens, le politique s'est emparé de l'outil. Nous nous retrouvons avec de la matière brute qui s'organise, savons ce qui donne naissance aux débats et sommes en capacité de poursuivre le débat en lui-même, aussi longtemps que nécessaire — ou tout du moins la forme telle qu'on peut la lire sur nos écrans. Malgré cela l'espace demeure étroit pour appareiller des textes longs, des argumentaires développés et de la libre expression.

La plateforme (dialoguea ou cartodebat, car c'est la même chose) apparaît à ces début comme un antidote à Facebook ou à Tweeter et leurs exploitations politiques, mais que ces mêmes politiques continuent d'utiliser. Peuvent-ils seulement s'en passer ? Ce que Régis Debray Debray14 appelle la politique de la petite phrase.

Lâchée la formule d'« acceptation sociale », il devient évident et obscène qu'à l'intérieur des débats se jouent de grandes parties de lobbyisme. Flagrant pour qui est approchés par des fabricants de drônes qui scrutent si le marché est mûr pour des livraisons par microlégers aéroportées à la double faveur de la crise sanitaire et de la perspective de l'ouverture d'une usine Amazon dans le Gard.

Dans la prolongation de ces mêmes débats, j'entends trois opinions, qui aident à saisir l'idéologie matérialisée au devant :

le but de l'être humain est d'acquérir plus de confort ; Le design innove grâce au marché ; Les militaires sont à l'origine de toutes les grandes innovations.

Que penser de tout ceci ? Dès lors qu'il y a crainte pour la démocratie, qui accuser ? Les networks ? les chiens de gardes ou la médiacratie qui aurait pris parti ?

Les objectifs de départ, offrir des outillages aux animateurs d'éducation populaire et des associations dans le respect d'une charte éthique, alors qu'ils sont nécessaires et urgents, ont été mis de côté justifiés par des impératifs économiques, par la menace de la concurrence sur le « marché de la participatique » et par les relations compliquées vis-à-vis d'un laboratoire positionné comme un passager clandestin venu gêner le jeu du logiciel libre au lieu de le soutenir.

Des clients achètent un outil de communication pour améliorer leur politique publique sur l'aménagement du territoire. Dans une réunion, je fis remarquer que les urbanismes anguleux et excentrés occupent une lourde responsabilité dans le malaise social : l'absence d'un centre circulaire, une place, une fontaine, un jardin, un cœur, empêche les développements naturels en village et en lieux de vies 14Les banlieues sont aménagées sans plan et sans liaison normale avec la ville. Les banlieues sont les descendantes dégénérées des faubourgs. Le Corbusier, La Charte d'Athènes, 1957, p. 24.1414 15L'urbanisation […] joue un grand rôle [dans les troubles psychiques] parce qu'il y a des quartiers où la culture entre difficilement [et entraîne une] société en grumeaux, […] un grumeau social — Boris Cyrulnik gddi1515. Les publics sont drainés vers les centres, et se transportent en incessant allez-retours, faute de vie culturelle développée sur place. La réponse que je reçois en retour m'indique le niveau de difficulté qu'il y a à se faire comprendre et m'afflige : « Mais ceci favoriserait le communautarisme, et ça, c'est les mosquées !»

Je n'ai personnellement aucune ire contre les communautés religieuses. Devant une telle dégradation du débat, je suis bien obligé de constater l'inflation de la tâche à mener. Tout ce qu'il nous est possible de faire à ce stade est de revenir en arrière, et à des notions antérieures aux quelques clauses de collégialités sur lequelles nous nous étions entendus pour espérer progresser. La tâche gonfle encore, n'étant dès lors plus exclu d'avoir recours à des rapports de forces pour espérer se dépêtrer d'une part des simplifications qu'engendrent ces raisonnements lapidaires, et de l'autre, des complexités produites par ces règles imposées comme collectives mais par des personnes qui s'y soustraient.

Le mouvement 5 étoiles

Cinque Stelle était à la souche un cybermouvement MondeDiplomatique18.04. 8.7 millions de voix en 2013, 10.7 en 2018. Ce sont les outils élaborés par le parti afin de facilier la participation de ses sympathisants et d'instaurer une démocratie directe, avec la possibilités de choisir ses candidats et ses représentants, de déterminer les positions du parti sur tel ou tel sujet ou de procéder à des référendums qui ont fait son succès.

Le M5S promeut une conception de la démocratiee fondée sur le principe de la délibération en ligne, qui conférerait à ses décisions une légitimité plus grande.

Son utopîe numérique — organiser la consultation des citoyens à travers des forums Internet — a changé la vie politique. Chaque italien peut désormais exprimer son avis ou ses humeurs d'un simple clic, sans la médiation, jugée forcément détestable, d'un parti, d'un syndicat ou d'un journal. L'approche post-idéologique du parti pourrait également avoir joué en sa faveur. Pas de ligne préétablie ou ni de système de croyance.

Les compétences remises en questions, les faux pas et les scandales confirmèrent que quelques clics sur Internet ne suffisent pas à sélectionner les meilleurs candidats ni à garantir une parfaite transparence.

Les formations post-idéologiques ont gagné en influence dans les pays d'Europe. les partis sociaux démocrates se rabougrissent, les conservateurs voient une partie de leur base dériver vers l'extrême droite. Dans cette phase historique, abjurer toute idéologie peut paraître comme la formule magique pour obtenir un large consensus électoral.

Il devient de plus en plus difficile de classer les partis selon une logique gauche-droite. Le terme même d'idéologie est désormais perçu dans certain pays comme un gros mot. L'idée qu'il faut tenter autre chose en «dépassant les clivages» ne cesse de gagner du terrain.

La production pléthorique de textes de M.Grillo abordait une variété impressionnante de sujets. C'est davantage un métadiscours sur une certaine conception de la démocratie directe qu'une prise de position sur chacun des sujets évoqués. Le plus souvent, il s'agit d'imposer une vision du monde manichéenne opposant un peuple pur à des élites corrompues.

Même les cinq «étoiles», censées symboliser les priorités du mouvement – service public de l'eau, transports en communs, développement durable, accès à internet gratuit pour tous et protection de l'environnement — ont peu à peu perdu leur signification. Placées au centre du discours en 2005 et 2006, elles ont repris du service en 2011 et 2012 avant de disparaître à nouveau.

Le M5S n'a « ni doctrine, ni support idéologique », son positionnement est « très clair et adaptable : nous pouvons aussi bien conserver l'euro que rompre avec lui, selon les intérêts de la nation ».

L'Italie ayant toujours été un laboratoire pour le reste de l'Europe (fascisme dans les années 20, instabilité politique dans les années 60, gouvernement d'expert dans les années 90) d'autres devraient s'inspirer, pour le meilleur ou le pire, de la stratégie du M5S.

Dans l'enseignement supérieur et la recherche

Rouler sa bosse dans des diversités d'entreprises de tailles et de secteurs, public, privés ou semi-public est certainement formateur. Avec le temps, on peut faire le constat des mutations et des transformations des établissements sous la nécessité de l'économie et du rendement, de la normalisation et des processus dits de “qualité”. Mais devoir poursuivre des recherches et prendre le risque de ré-exploiter des travaux existants sans y être officiellement encouragé peut parfois être déprimant.

La recherche scientifique entretient des professions qui sont le plus à même d'exercer des transformations ou de véhiculer des idées. Leur gestionnarisation et la normalisation outrancières dont elles ont fait l'objet ont à l'échelle européenne des répercussions sociales profondes.

En décembre 2013, l'Académie des Sciences sonnait l'alarme. La baisse constante des crédits dits « récurrents » n'était nullement compensée par la politique de financement « sur projets ». La diminution des crédits de l’ANR impactait sévèrement les « projets non-thématiques » qui constituaient une source importante de financement pour les chercheurs souhaitant s’engager dans des recherches originales, très en amont des recherches thématiques définies par des comités ayant tendance à financer l’existant et donc à le reproduire. Ces restrictions apportées allait mettre directement en péril la vie d’équipes et de laboratoires qui avait mis du temps pour s’établir et atteindre souvent le meilleur niveau international.

« Une situation d’autant plus grave que l’on sait par expérience qu’un coup de frein important, même transitoire, donné à la recherche, a des effets néfastes importants pour de nombreuses années. La masse salariale est difficilement compressible, d’autant plus qu’il faut créer de nouveaux postes attendus par les jeunes générations. Néanmoins, les crédits des laboratoires ne doivent pas servir de variables d’ajustement » prévenait Joël Bockaert.

Le manque de poste et de crédit laissa le personnel en proie à un désarroi néfaste pour l’ambiance des laboratoires et conduisit à un fort ralentissement des activités de recherches.

C'est à cette occasion qu'est lancé un débat sur la précarité de l'emploi dans le secteur, débat qui anticipait le recalage de la France dans la compétition mondiale, les budgets de la recherche et de l'éducation étant transférés à la police en un temps où les discours sécuritaires se répétaient en boucles en réponse au phénomène endogène du terrorisme.

Alors en thèse à l'observatoire de Paris, Vincent Reverdy intervient le 20 Août 2014 dans un forum qui coordonne les cellules régionales en préparation de plusieurs semaines de manifestations : « le but n'est pas de défendre des convictions personnelles, le but est de converger peu à peu vers un argumentaire commun et robuste, en commençant par déterminer quelles sont les revendications du groupe.

Si vous me dites plus d'emploi et plus de moyens pour la recherche, je serais extrêmement tenté de dire que le véritable problème n'est pas là et que cela fait bien longtemps qu'il n'est plus vraiment là. Je tiens à dire que ce genre de réflexion est peut être thématique-dépendant, mais franchement ce ne sont pas deux postes de plus par an par section du CNRS qui vont changer quoi que ce soit…

Déjà, il faut prendre le problème à sa source : pourquoi voulons nous des postes permanents ? Avant de communiquer, il serait bien que nous ayons résolu cette question. Pour réduire la précarité chez les jeunes ?

Tout d'abord sans visibilité sur sa situation personnelle, il est impossible de prendre des risques. Or le risque est à la base, du moins il me semble, d'une recherche audacieuse. Et la précarité limite, presque structurellement, cette prise de risque. Nous ne voulons donc pas de postes pour limiter la précarité, ou pour "avoir des emplois de fonctionnaires bien au chaud" (sentiment qui est présent chez une part non négligeable de nos concitoyens), nous voulons des postes statutaires pour prendre les risques les plus élevés possibles dans nos recherches.

La précarité et la compétition pour les quelques postes actuellement proposés n'entraînent pas la sacro-sainte "excellence". Cela entraîne la sanction de l'erreur et force les gens à travailler pour leur CV plutôt que de travailler pour faire de la science. Il me semble qu'une recherche qui ne se donne plus les moyens de se tromper est une recherche qui est en train de mourir. Lorsque le facteur de pression atteint 30 ou 40, on prive une génération entière de jeunes chercheurs de faire de la recherche : qui peut se permettre de “perdre” ne serait-ce qu'une semaine pour collaborer avec ses collègues (et je parle ici de vraiment collaborer, je ne parle pas de monter un projet ou chacun travaille dans son coin), aider ses collègues sur un point technique ou scientifique, ou même prendre le temps de réfléchir ? Non plutôt que ça, il faut finir à tous prix la dernière publication (si je voulais être cynique je pourrais dire : que de toute façon personne ne lira, à part les referees), débugguer le dernier morceau de code ou terminer la dernière demande de financement. J'ai l'impression que toutes ces tâches sont la transposition du divertissement Pascalien au milieu de la recherche : ils nous détournent en permanence de nos véritables objectifs. A tous les jeunes chercheurs, je voudrais poser cette question : de quand date la dernière longue discussion de trois heures ou plus que vous avez pu avoir avec vos collègues concernant de vraies questions fondamentales liées à votre sujet de recherche ? Et je ne parle pas de discuter de la dernière courbe ou des derniers résultats. Je parle d'un vrai débat d'idées sur une question de fond et notez qu'un vrai débat d'idées nécessite la disparition préalable de tout argument d'autorité ou de relation hiérarchique dans le cadre du débat. Si votre réponse est de l'ordre de plusieurs mois, années ou même pire, jamais, je suis désolé, mais c'est qu'il y a des problèmes plus urgents à résoudre qu'une simple augmentation de budget ou de nombre de postes. De manière cynique, encore une fois, j'irai même jusqu'à dire qu'au point ou nous en sommes, la disparition complète des recrutements donnerait enfin l'occasion aux jeunes chercheurs de faire de la recherche, non pour construire un CV, mais pour faire de la science.

Je serais donc tenté de dire que si il est important de réduire la précarité, ce n'est pas pour la précarité elle-même, mais parce qu'elle est la condition préalable à une science audacieuse, à une science qui ose prendre des risques et à une science qui accepte de se tromper et de prendre le temps de se tromper.

Ensuite pourquoi serait-ce à l'Etat d'assumer cette charge et pas aux entreprises ? Il ne s'agit pas d'opposer le public et le privé. Les deux doivent assumer leurs rôles, différents. Si certaines recherches peuvent effectivement être menées par l'un ou par l'autre, d'autres, en particulier les recherches plus fondamentales ne sauraient être assumées par le privé pour la simple raison que cela ne serait pas rationnel économiquement. Pour s'engager dans la recherche, le privé a besoin de visibilité, il a besoin d'évaluer les risques qu'il prend. Et c'est normal, il ne s'agit pas de le blâmer pour cela. Or travailler à la frontière de la connaissance pour essayer d'y effectuer des recherches de rupture suppose de prendre des risques qui ne peuvent, par nature, pas être évalués. Ne reste donc que l'Etat pour financer ces recherches. Plus généralement, je pense qu'une partie des problèmes actuellement rencontrés provient du fait que, de l'extérieur, la recherche est traitée comme une boîte noire qu'il s'agirait de financer de manière uniforme. Or il n'y a pas une recherche mais des recherches. On ne finance pas et on n'évalue pas une expérience de physique des particules impliquant des milliers de physiciens comme de la recherche mathématique en topologie algébrique. Le financement sur projet est utile, mais il ne peut pas tout faire. Donc si nous demandons plus d'argent sans préalablement poser des questions de fond sur le mode de financement, nous risquons juste d'obtenir une nouvelle agence de financement pour laquelle nous aurons la joie de pouvoir monter de nouveaux dossiers.

“ La science est importante parce qu'elle est source d'innovations et qu'en tant que telle elle est un pilier pour l'économie et pour l'emploi ”.

J'ai pu moi aussi soutenir ce point de vue quand j'étais encore jeune et insouciant des conséquences implicites cela peut entraîner. Je suis désolé mais je n'en peux plus de ce discours. En faisant cela on dévalue et on dénature complètement la dimension culturelle de la science. Après la médaille Fields d'Artur Avila partout les journaux tentaient d'expliquer que la Mathématique était importante parce qu'elle était source d'innovation et d'emploi. Ce qui est interprété dans 99% des cas par : le but de la Mathématique est de créer de l'innovation et de l'emploi. Il me semble important d'arrêter d'avoir un discours infantilisant auprès de nos concitoyens et d'arrêter de se justifier sans cesse. Si une partie de la science a effectivement une dimension cartésienne et est ce qui permet de nous rendre comme “maîtres et possesseurs de la Nature”, une autre partie n'est pas justifiable en ces termes et s'inscrit dans une démarche culturelle : la connaissance pour la connaissance elle-même et non pour ses éventuelles applications qui, de toute façons, sont hors de portée au moment où l'on acquiert ces nouvelles connaissances. La relativité générale n'a pas été mise sur pied pour concevoir le GPS tout comme la mécanique quantique ne l'a pas été pour mettre au point le transistor. En tant que chercheurs, si nous abandonnons nous mêmes cette dimension culturelle de la recherche, alors je crois qu'il est illusoire de penser que quelqu'un d'autre viendra la défendre à notre place. La justification de la science à l'aune de ses applications a été maintes fois expérimentée par le passé et nous avons vu les effets que cela produit. Pour une fois, ne travestissons pas la recherche et ne trahissons pas la dimension culturelle de la connaissance, gardons la tête haute, élevons le débat et adoptons un positionnement non standard : nous avons beaucoup plus à y gagner qu'à y perdre. »

— Vincent Reverdy, le 20 Août 2014

Manifestations

Six à huit mille manifestants à la porte d'Orléans le 17 octobre 2014, éconduits sur la place Vauban, au lieu de mener le cortège devant l'Assemblée Nationale comme c'était prévu. La dotation des universités fit l'objet d'une coupe budgétaire sans précédent, le budget national du CNRS en 2015 sera une peccadille de 160M€ tandis que la défense reçoit une gratification de 3,8 Milliards à un budget sanctuarisé. Le CIR (Crédit Impôt Recherche) accorde 5 Milliards au privé, dont la moitié va au bénéfice de grands groupes qui n'hésitent pas à licencier du personnel par milliers, comme Sanofi ; la crise fabriquée de toutes pièces s'aggrave.

29 avril 2015, pendant une grève de Radio France, RTL prête son antenne aux défenseurs de la rallonge budgétaire de la défense. Il n'y a donc pas lieu d'être étonné si le front national affiche un score historique, parce que la France profonde, celle de la Creuse, représentative de plus de la moitié du territoire, d'une génération encore en âge de voter à chaque éclipse dans les campagnes, se fait manipuler par la machine médiatique.

Vu que l'espace médiatique disponible sur Internet est une cornucopia, les efforts des éditocrates pour manipuler l'opinion y prennent souvent l'aspect de ficelles assez grossières.

Les pouvoirs français participent largement à cet effort et la dotation militaire doublée de l'approbation majoritaire des députés sur les “boîtes noires”, déplace le problème ailleurs : la manipulation consiste à compren­dre ce les gens pensent et ce qu'ils veulent pour leur présenter le discours fait des promesses qu'ils attendent. Et c'est ainsi qu'un État désengagé de ses citoyens peut se transformer en un État qui se retourne contre eux.

Difficile (mais nécessaire) alliance

Il faut s'être heurté aux comportements particuliers qui s'établissent dans les relations humaines à l'intérieur des laboratoires et des entreprises pour comprendre comment elles ont évolué.

On peut ignorer les privilèges attribués à des professions de gens méritants mais on ne peut pas ignorer une culture sociale de la déférence, du mépris ni la systématisation des hiérarchies. On dirait une spécificité de français cultivant verticalement l'arrogance mesquine. Du jour où d'un jeune thésard allemand j'entendis dire que l'autre n'était “qu'un ingénieur”, tandis que lui était (déjà) “chercheur”, j'ai pris conscience que nous étions entré dans un époque où les relations sont naturellement tendues et qu'au lieu de pratiquer une dispute avec élégance, esprit et bon goût, on préfère se jeter des invectives à la figure.

« On peut le faire, [vous mettre à la porte, car c'est ce qu'ils étaient en train de faire] car vous, vous êtes temporaire, nous on est permanents » On dit communément les “temporaires” et les “permanents”, pour désigner les situations contractuelles des postes correspondant. À mon sens, ce témoignage est la preuve de l'inconscience quant à la violence qui s'exerce.

Rétrospectivement, Alexander Grothedieck lui-même, dans Récoltes et Semailles, témoigne d'avoir vécu des choses semblables et dans des proportions insoutenables et qui lui firent quitter sa place.

La recherche alterne entre temps longs et courts, entre innovations parfois, et recherches et valeurs, voire recherche des valeurs ce qui implique un regard lucide sur une situation collective. Elle est aussi la responsabilité de gens identifiés comme appartenant à une catégorie sociale et jouant un rôle dans la société et qui l'ont peut être parfois un peu oublié, conduisant à des situations où s'animent des projets fantoches, sont rédigés des papiers abscons et en perte de sens et que personne ne lira de toute façon, ce qui entraîne des échecs à répétitions, un manque de cohésion et de concrétisation, avec des procédures qui s'éternisent. L'exemple illustre parmi tout ceci est celui de l'ANR et de la déperdition d'énergie qu'elle a représentée en 2014 : collectivement, ce sont des centaines de milliers d'heures de travail suivies de recours auprès de la CADA16Commission d'Accès au Documents Adminisratifs1616. Tout ceci précise le scénario dépeint dans La Fondation Mark Gable Szilard48.

L'Europe, enfin, provoque une sécrétion de structures supplémentaires, une adminisration normalisatrice et aveugle avec son technolangage — un anglais appauvri destiné à un lectorat francophone. Les attributions des budgets ? Il semble difficile d'estimer sur quels critères elles sont fondées. Une situation qui accroît la pression des lobbies et favorise encore les passagers politiques clandestins.

La privation de la recherche entraîne des comportements d'entreprise rapace. Dans le cas du logiciel, l'histoire le montre avec les situations absurdes où émergent des licences spéciales, simplement pour palier aux attitudes des différents acteurs qui ne veulent pas jouer le jeu du logiciel libre.

Voilà pourquoi nous en venons à mettre en cause et désigner du doigt des articles, des projets, des responsables, et des équipes de recherches — qui, d'ailleurs n'ont jamais eues très bonnes réputations. Si le ton prend la tournure d'un règlement de comptes, c'est justement parce que les budgets acheminés, le problème n'est pas réglé.

On sait pourtant que c'est d'une alliance entre chercheur et ingénieur Bloch13 que naît le succès des programmes et lorsque deux plombiers travaillent ensemble et que l'un demande à l'autre une clé de 12, vient-il à l'idée du premier de lui demander “combien” ?

Les organisations

Οργανον : «instrument de travail», «de musique», «organe du corps».

L'organisation de la nature tend vers toujours plus de compléxité et de structure. On nous explique qu'à l'origine de l'univers une singularité crée des particules subatomiques, regroupées pour former des noyaux elles interagissent pour devenir des molécules qui plus tard entrent dans la composition du vivant. Si je décide de me déplacer vers la droite, toutes mes celulles vont aller à droite. Et si toutes les cellules de l'organe meurent ou se multiplient de façon anarchique à la façon d'une tumeur, l'être vivant en est affecté. Les organisations humaines sont des entités supra-individuelles. Notre vocabulaire dispose de quantités de termes pour qualifier les organisations humaines : associations, comités, sociétés, collectivités, entreprises, instituts, corps, équipes, compagnie, clan, colonie, commune, village, équipe, alliance, ligue, club, assemblée, congrès, conciliabule, chambre, conférence, attroupement, rassemblement, auditoire, jury, coterie… tout une secrétion de structures qui englobe l'individu et lui impose sa conduite. Au cours du XXème siècle, la compléxité des assemblage de groupes humains fait un bon en avant et les structures s'aggrandissent. Le vocabulaire a déjà vu appraître le terme “d'administré". La raison qui gouverne ces groupes tend vers plus de mécanisations. Si vous faites appel à un peintre aujourd'hui, ça n'est pas un peintre qui vient, mais un “auto-entrepreneur” ou une “société en bâtiment” qui existe sous des mesures légales, doit déclarer et défrayer son ouvrage auprès d'un centre des impôts, l'assurer auprès d'une compagnie d'assurance, recevoir un paiement via une banque qui gère la transaction…

On pourrait croire que l'assemblée vote des lois alors qu'elle ne fait qu'un vote de traductions dictées par l'Europe. On peut croire que la gabégie qui prétend gouverner dirige ce pays : en réalité ils ne comprennent pas ce qu'ils font, à l'image d'un chef d'entreprise qui voit sa conduite dictée par la structure qu'il prétend diriger sous l'égide d'un conseil d'administration dont les décisions elles-mêmes fluctuent. Alors pourquoi prétendre qu'un gouvernenment “dirige" ?

Ce macrocosme comprend une méta-structure d'une complexité supérieure à ce que nous avons connu jusqu'alors.

Venons-en à la R&D : dans ce contexte, la démarche de “qualité" qui semble contaminer le secteur touche à un organe spécial : une partie du cerveau suis-je tenté de dire. Comment s'interesse t-on à ce que conçoit un homme ? Avec quel critère d'objectivité juge t-on de la création d'un chercheur ? Qui peut prétendre juger ou évaluer de mes recherches sinon mes pairs et moi-même ? Et en dépit de toutes qualités humaines ?

C'est ainsi que la masse dominante des personnes qui œuvrent au sein du corps croient leur comportements fondés, tandis qu'ils se censurent intellectuellement et qu'au lieu d'aborder de front le sujet, ils vont se résumer à l'exécution d'un projet en contournant les difficultés pour remplir les normes d'un contrat. Et je soupçonne qu'ils sont nombreux dans les sciences aussi bien dures que molles à n'avoir conscience que d'une fraction de cela, tant l'organe asservi la cellule.

Comment aboutir dans ces circonstances ? En tout état de cause, lorsque nous élaborrons un programme, une personne doit en assurer la cohérence pour éviter l'inflation. Si nous confions la direction à un organe mal défini, le consensus qui l'emporte court le risque de ce remettre en cause pour et par les propres raisons qui le font exister. La nature du consensus est donc d'être certain de savoir ce sur quoi il veut aboutir et non de créer des entremises et des rationalités qui vont produire davantage de mécanisations ; ce qui peut aller très au-delà du bien commun.

Une association qui défend la Recherche et se présente au chevet de la nation délivre une dose homéopathique de résistance à ce phénomène – pour tenter de préserver un système tel qu'il a existé. C'est aussi vouloir l'amputation de l'amalagme d'organismes sécrétés à partir d'une même souche entreprenariale, mais devenu depuis très largement pluripotentes. C'est tout le problème d'un corporatisme fédéral qui s'érige au dessus d'un État.

Constatons que 8 personnes sur 10 sont plongées dans leur tablettes dans les trains, qu'on écoute de la musique sur ces mêmes appareil alors qu'on rembobinait une cassette ou déposait un diamant sur un sillon de vynille, que la télé qui se regardait à plusieurs sur un canapée a été chassée par des écrans individuels, qu'au détriment d'un téléphone que l'on se disputait on a droit au rivetage social sur facebook. C'est une véritable optimisation du comportement des cellules en chimie sur un système nerveux central. Mais la diffusion des messages sur ce système n'est ni dirigée, ni canalisée. Elle est épileptique.

De cette lecture physiologique, on peut tenter de comprendre les apories d'un système pour espérer exploser ces normes, en repartant d'un design qui libère de l'emprise des empires digitaux — auquel nos dirigeants ne comprennent de toute façon pas grand chose.

Et là je ne parle pas que de Google mais aussi du cas Elsevier — qui de manière générale a masqué ce que devait être la littérature scientifique.

« There are many businessmen who own knowledge today. »17 http://custodians.online1717

Le débat

Rétablir par le débat numérique la confiance et le respect dans le débat public, un titre formulé gauchement et qui laisse une équivoque, d'un article TheConversation.2019.02 signé de trois mains — qui ont chacunes occupé des fonctions de directions dans leur université — paru le 13 février 2019 dans The Conversation, pendant la période où la France est secouée par le mouvement des Gilets Jaunes qui revendiquent davantage de démocratie, directe et participative.

« […] Mais finalement, c'est quoi un débat ? quelles sont les règles ? quels sont les livrables ? quelles sont les attentes ?»

[2019-03-26 mar. 09:18] Les sous-bassements du raisonnement sont viciés. On suggère ici que le débat est un jeu, comme un jeu de plateau, avec un cadre déterminé et des règles définies.

Regardez des enfants jouer, à un jeu ouvert : une grande partie du temps est consacrée à définir, palabrer sur ce qui est du jeu et ce qui n'en est pas.

Autrement dit, à définir la matrice, le nid dans lequel peut éclore le jeu, au sens plus strict, tel qu'il est réputé être défini, circonscrit par des règles.

Quand on parle de livrables, ça suppose que le schème fondamental pertinent est celui d'un processus, une machine, avec des entrées et des sorties. Modèle qui, pour être celui qui domine les esprits contemporains dans notre société, conditionne de façon très étroite ce qu'il est possible de penser. En fait, il confine dans les couloirs d'un labyrinthe. Je soutiens que les crises actuelles sont justement les hurlements contre cet enfermement. Une plainte qui ne sait pas exprimer de quoi on souffre, mais qui manifeste que l'on éprouve une douleur.

Cet inconfort est général, dans nos sociétés. Dans le registre particulier du «débat», cet inconfort consiste en ce qu'on a beau échanger des propos croisés, quelque chose de fondamental ne fonctionne pas, on ne ressent aucun soulagement.

En fait, il n'y a pas débat, si le débat est bien compris, comme à mon sens toute comunication doit être comprise, comme consistant à établir un jeu collectif — le temps consacré à dire ce qui est du jeu, mais qui lui-même suppose que l'on s'entend déjà suffisamment au préalable —, à définir le cadre sémantique dans lequel peuvent émerger les catégories convenues qui forment les jetons de jeu syntaxique du débat.

Ici, la sémantique est l'émergence de formes bien définies, bien contrastées, au sein d'un magma initial, un chaos, et non pas, comme la considèrent les esprits conditionnés par la vision en machine, quelque chose qui viendrait se déposer de façon semi-magique sur un donné initial fait d'atomes syntaxiques.

En résumé, je trouve que le débat enclenché par ce texte, est entaché des vices qui font que le débat est partout invalidé dans nos sociétés : il verrouille une représentation de la réalité comme un système formel, et somme les autres de répondre strictement dans les étroit couloirs qui en résultent.

Évidemment, tout le tour de passe-passe consiste à ne pas énoncer ce cadre sous-jacent. Il reste dans le non-dit, largement dans l'impensé, si bien que personne ne semble en capacité de le dénoncer. En fait le tour de prestidigitation n'est même pas conscient pour ceux qui en jouent.

La conscience que l'on en a est tout à fait partielle : on clame partout que toutes choses sont des processus, des machines, des jeux de règles. Mais évidemment, nulle part on ne développe effectivement les conséquences de ce postulat, car il est en contradiction frontale avec le simple fait que nous soyons en vie, et en train de nous demander ce qu'il convient de faire dans notre situation, c'est-à-dire que le problème concret qui nous est posé est celui d'un choix libre, en rupture avec un dogme de déterminisme mécanique postulé avec la notion de machine.

L'aveuglement frappe tout autant ceux qui sont en position de force, et jouissent donc de l'idéologie de la machine ambiante, que ceux qui en souffrent, il les frappe même plus, parce qu'ils n'ont aucune intention de voir changer le monde qui leur donne cette position avantageuse, et qu'ils se targuent de mieux comprendre que les autres.

Notre premier de cordée trouve tout à fait normal d'être au sommet, étant donné sa supériorité de sang.

« Et que peut apporter le numérique dans un débat citoyen ? Il est bon de rappeler que le débat existe depuis très longtemps dans nos sociétés, mais sa forme actuelle n'est plus adaptée à nos sociétés modernes. Aujourd'hui le débat , doit reprendre tout son sens et son utilité, il doit être un véritable outil de gouvernance.»

  • [2019-03-26 mar. 09:45] La “gouvernance"18

    « La gouvernance fit son entrée en 2004 dans la Lingua Quintae Respublicae en prenant des parts de marché à gouvernement (trop étatique), à direction (trop disciplinaire), à management (trop technocratique, bien qu'assez ancien dans la novlangue). Les américains l'utilisent principalement dans corporate governance, c'est à dire la direction des entreprises par leur actionnaire Hazan06.

    1818 est un mot qui à lui seul, clame que la société est une machine, et que quoi qu'il se passe, il ne s'agit que de consacrer cette idole.

«Il ne s'agit pas d'en faire un outil de démocratie participative, mais bien réellement un moyen de produire des propositions concrètes au service de tous.»

  • [2019-03-26 mar. 10:07] Pour moi cette phrase est creuse. Tout d'abord, elle procède comme si « démocratie participative » était une substance parfaitement définie, formellement définie dans l'absolu.

    Ensuite, elle exprime que « produire des propositions concrètes » serait fondamentalement autre chose que cette « démocratie participative ». J'ai beaucoup de peine à imaginer ce que ça peut vouloir dire.

    De plus, ces « propositions concrètes », de nouveau, excluent que le débat puisse consister à définir le jeu auquel on va s'adonner, tout simplement quel est le problème, à quoi il peut être pertinent d'apporter des « solutions » — si seulement une situation doit se réduire à être conçue en termes de problèmes et de solutions. On retrouve exactement la question de la différenciation progressive d'un jeu, au sein d'un groupe d'enfants, évoquée plus haut.

    Dernier point, « au service de tous », est une formule creuse, comme ce sera dit plus bas d'ailleurs, comme si le service de tous était quelque chose d'unitaire, si facile à trouver, comme si cette formule pouvait même recouvrir quelque chose de définissable. C'est une fiction complètement déconnectée de la réalité.

«  Confiance et respect doivent être les fondements de ces nouvelles formes de débats. Si le débat présentiel reste indispensable, le débat numérique est désormais à la portée de tous.»

  • [2019-03-26 mar. 10:16] C'est faux. Tout le monde, loin de là, n'accède pas au débat numérique.

«Les réseaux sociaux ne sont-ils pas au final une source incontrôlée des débats …»

  • [2019-03-26 mar. 10:16]

    Source incontrôlée de débats ? L'emploi du mot source est maladroit. Un lieu de débats incontrôlés, peut-être ?

«… avec son lot de bonnes et mauvaises pratiques. Un grand débat rassemble un grand nombre de discussions et de participants.»

  • [2019-03-26 mar. 10:18] Même cette phrase est filandreuse.

    Un grand débat, on pourrait arguer, doit essentiellement être un, c'est-à-dire consister en une discussion.

« Est-il possible in fine de gérer et vraiment prendre en compte ces nombres [de « débattants » ] ? Ne sommes-nous pas confrontés au big-data des décisions ? »

  • Charabia. Le recours à une gestionnarisation supplétive ne nous sera d'aucun recours.

«  Le débat ne fait pas forcément le jeu du pouvoir politique qui est tenté de le contrôler ; Une dictature c'est «ferme ta gueule», une mauvaise démocratie c'est «cause toujours». Mais le déroulement du débat le fait échapper à tout contrôle. Le déroulement d'un débat vient de l'addition des contributions de tous. Personne n'en a la maîtrise car tout le monde l'influence par ses interventions et absences d'interventions. Le débat doit pouvoir repartir de discussions passées.

C'est pourquoi , il faut des dispositifs qui assurent que chacun conserve la propriété de ses idées. »

  • [2019-03-26 mar. 10:22] Ne faudrait-il pas parler plutôt, plus fondamentalement, du fait que l'on puisse identifier, nommer les intervenants, encore que cela ne départisse pas du fait qu'à un certain point, il faut aussi pouvoir faire des contributions anonymes ?

    Il y a une dialectique de la transparence et de l'opacité, qu'il sera important de formuler explicitement.

« et puisse choisir quand et comment intervenir ».

  • [2019-03-26 mar. 10:23] Phrase inepte. Propos inepte au regard de ce qui a été dit plus haut, puisque le débat y était de fait constitué de la faculté libre d'intervenir de tous. Autrement dit, le propos est erratique.

« Par chance, les mauvais débats se révèlent facilement, ils sont signalés par des participants eux-mêmes. Ils se plaignent de ne pas pouvoir parler, ne pas être écoutés, être perdus, oubliés, récupérés, isolés, invectivés, impuissants face aux parties prenantes, et dépossédés de leurs idées.»

  • [2019-03-26 mar. 14:03] On pourrait dire que la première fonction d'un échange, d'une communication, d'un débat, est d'établir com­me un fait collectif l'existence de chacun des protagonistes.

    S'il n'y a pas des individualités qui communiquent, il n'y a pas de communication.

    J'ai expliqué comment le fait que l'on considère qu'il existe un «référentiel absolu» de connaissance, un universel, bafoue par avance l'existence même d'autrui. Autrui est au mieux un diverticule de mon référentiel universel.

« Les mauvais débats démocratiques se révèlent aussi pour des raisons indépendantes des citoyens : ils ne se pratiquent pas aux différentes échelles, qui consistent en des débats, locaux, sur les territoires, dans des communes, à l'échelle régionale, nationale et internationale ; Ils n'ouvrent pas à d'autres formes d'association et de participation à la politique publique ; Ils ne conduisent pas à un changement de comportement des administrations et des politiques.»

  • [2019-03-26 mar. 14:06]

    Tout ceci sonne comme des vœux pieux. Il y a déjà eu, ne serait-ce qu'une fois, des débats qui satisfassent ces conditions ?

«  C'est pourquoi la CNDP insiste pour que le grand débat donne une place à chacun, que les participants et les parties prenantes se mélangent et que le débat soit multi-échelles avec la participation d'élus, d'administratifs et de citoyens.

Le numérique, un médicament ou un poison?

Il est dangereux de se servir d'outils de débat numérique qui n'ont pas été qualifiés19Le terme qualifié (sens contraire «disqualifié») reviendra très souvent dans les discours sur l'ingénierie des débats pour dire : qualifier des termes, les étiqueter.1919

  • [2019-03-26 mar. 14:07] C'est quoi, un outil qualifié ? (L'emploi pour autorisé, reconnu et valable est rare)

    Pour moi, la question soulevée gauchement ici, c'est le fait que tout un chacun puisse s'assurer de la concordance entre la version de la trace des débats dont il dispose, et celle qui est affichée publiquement. Entre les archives publiques, et celles qu'il aura vérifiées lui-même.

«  Cela s'apparente alors aux réseaux sociaux, et nous voyons bien les ravages de ces outils peuvent provoquer ! On ne met pas sur le marché un nouvel avion ou un nouveau médicament sans une batterie de tests et sans l'aval d'agences indépendantes. Curieusement l'ingénierie du débat public numérique n'est soumise à ce jour au contrôle d'aucune agence, alors qu'on a déjà vu des conséquences de l'usage du numérique dangereuses pour la vie démocratique.

  • [2019-03-26 mar. 14:09] Disons : un simulacre de batterie de tests, pour les médicaments.
  • [2019-03-26 mar. 14:10] S'il n'y a qu'une agence de plus qui puisse être la solution à tout ce qui est «dangereux pour la vie démocratique», la charge sur les écosystèmes, est encore accrue d'une puissance.

« Demain, il faudra qu'une agence ait pour mission l'agrément des outils de débat public. Ce grand débat va fonctionner véritablement que s'il parvient à mobiliser la participation d'institutions qui conditionnent une confiance. »

  • “Le conditionnement de la confiance”, “l'apport de la confiance”, autant de formules qui raisonnent avec les mots de l'antipathique ministre Blanquer et de son “école de la confiance" et dont on ne sait en ces termes si on entend évoquer une relation à soi ou aux autres.

À l'article de Latour Avoir à nouveau confiance dans les institutions Latour2012enquete peut-être ?

« Indépendamment du débat, par exemple les notaires exercent leur profession sur tout le territoire comme tiers de confiance, ils sont en réseau et ils maîtrisent les outils numériques. »

  • Il faut avoir fait l'expérience directe de l'empêtrement que peuvent con­ naître les notaires avec leurs propres suites logicielles compliquées pour comprendre qu'il n'y a pas de maîtrise.

    Ce passage de Jean-Pierre Dupuy prête le flanc à la critique, mais je le citerai quand même :

    « Nombre de Philosophe [pensent que] Le rêve de Descartes, « se rendre comme maître et possesseur de la Nature » – a mal tourné et il serait urgent d'en revenir à la maîtrise de la maîtrise. Je crains qu'ils n'aient rien compris. Ils ne voient pas, que la technologie qui se profile à l'horizon vise précisément à la non-maîtrise. L'ingénieur de demain ne sera pas un apprenti-sorcier par négligence ou incompétence, mais par finalité. » Ce que le fantasme de l'intelligence artificielle concrétise.

«  Les universités ont une culture du débat de savoirs spécialisés et les médiathèques, proches des citoyens savent leur donner accès à des connaissances adaptées à leurs besoins. »

  • [2019-03-26 mar. 14:13] J'ai pourtant tenté de débattre du sujet avec l'un des auteurs : en quoi il y avait des connaissances dans les médiathèques, adaptées à nos besoins et ironiquement, combien de kilo-connaissances par jour étaient recommandées ?

«  Avec ces structures, pourquoi ne pas lancer des recherches et des actions pour qualifier des outils numériques favorisant la confiance et la participation du citoyen qui, assuré du respect de ses idées, aiguise son esprit critique, mobilise sa créativité, et tire profit de celles des autres ?

Rétablissons le débat, dans la confiance et le respect de chacun, et avec une volonté collective d'aboutir à un changement profond de notre société pour prendre part aux décisions de demain. »

L'article s'achevant ainsi, on ne su dire ni quelles recherches, ni quelles actions, pas plus que de quelles décisions il était question. Les discussions autour de l'article se prolongèrent sur Dialoguea, puis celui-ci offrant un espace jugé trop étroit par l'un des participants pour rédiger son propos, par mails adressés à une vingtaine de participants, commençant avec la relance suivante.

« La pathologie a de tout temps été le point de départ de la physiologie, non l'inverse. »

  • [2019-03-26 mar. 10:32]
    Observation juste, mais qu'il faudrait raffiner.

    En effet, on découvre un fonctionnement physiologique, qui va de soi en conditions normales, le jour où il défaille. « Je ne savais pas que j'avais un os là ! »

    Mais cette façon spécifique de voir la maladie, ou la santé, procède d'une manière très typiquement occidentale de considérer le monde. Une façon guerrière. Une façon qui projette de façon directe une identité entre un symptôme et une substance. Elle substantialise le symptôme, elle recherche un agent, un facteur déterminant analytiquement —de façon linéairement indépendante— le symptôme. Il en résulte qu'au lieu de cultiver les conditions d'une bonne santé, d'un bien-être, d'un mieux-vivre (penser notamment à Bertrand de Jouvenel), on entre dans une escalade de l'armement avec la maladie, les attaques. Le plus grave ce-faisant est que l'on se représente la vie, et tous les phénomènes vivants de façon erronée. (Lire Eliot Coleman, de significatif là-dessus.)

    Cette conception, […] déjà commentée sur le thème du personnage de Robinson Tournier72, des services écosystémiques, sur les solutions incontournables, énoncées par Michel Serres, Philippe Descola, Bruno Latour, pour ne citer que des français qui ne soient pas des moindres : pour «sauver la nature» (qui, jusqu'à une période récente, n'a pas eu besoin des hommes, ni d'être sauvée en quoi que ce soit, elle s'est faite toute seule), la seule solutions qu'ils envisagent, et qu'ils paraissent chacun avoir inventée tout seul, c'est de donner une représentation politique, juridique, économique —avec un marché de…— à chaque entité vivante ! Ils ne semblent même pas ébranlés de ce que l'inventaire des entités vivantes est sans fin. Ni que si «chaque entité vivante» doit engraisser représentants politiques, avocats, juges, traders, etc., la nature s'effondrerait instantanément sous la charge.

« Dans la grande manipulation nationale, que les distraits continuent à nommer “débat", est présente toute la pathologie de ce qui prétend être un débat tout en le rendant impossible. J'en ai indiqué quelques caractéristiques empiriquement observables (ce qui entre scientifiques a son importance). Entrée réservée à des gens choisis en fonction de leur conformité avec une certaine idéologie, questions préparées et pré-"visées" par les préfets, impossibilité de répondre à la réponse du performer (pas de droit de suite), et j'ajoute à ce que j'ai écrit tout à l'heure, interdiction aux figurants (non "participants") de discuter entre eux.

Forme: pré-sélection, rétrécissement du "discutable", schéma de communication en étoile: le performer est le HUB qui concentre toute proposition formulée. De fait, nombre d'attributs de forme que doit respecter un débat circulent déjà dans vos contributions. On pourrait les appeler paresseusement, la dimension grammaticale (les formes canoniques des énoncés admissibles).

Ensuite vient la sémantique, qui évidemment interfère, car la séparation grammaire/sémantique n'est pas pure. La sémantique d'une langue est l'ethnographie d'une culture (de cette culture-là): or, la culture c'est du sens, mais c'est du sens porté par des individus et des groupes; Et les uns et les autres peuvent avoir (ont très souvent) des intérêts non seulement différents mais contradictoires.

  • [2019-03-26 mar. 14:17] Je ne suis pas du tout d'accord de cette partition entre syntaxe et sémantique. Donc les bases du discours, du débat enclenché ici divergent pour moi.

Et là ça se complique. Parce que les contenus sémantiques sont des produits de processus. Exemple: on ne propose pas (comme suggère, je crois, Corinne), que le débat consiste en la tentative de résoudre un problème (question de problem-solving), avant que les agents aient réussi à définir (construire) au préalable le problème dont il va s'agir (problem-setting), qu'il s'agira de résoudre. Dans les débats en sociétés réelles, les problèmes possibles sont liés aux agents eux-mêmes: dans une certaine situation, le "problème" des uns n'est pas (peut ne pas être) celui des autres.

  • [2019-03-26 mar. 14:19] Ce qui me paraît plus radical encore, c'est que la donnée de base est l'étrangeté des mondes des uns et des autres.

    Ce n'est pas qu'ils n'ont pas le même problème, dans une sorte de cadre universel où l'on pourrait poser les problèmes des uns et des autres.

    C'est que leurs cadres sont étrangers les uns aux autres, et avoir un aperçu du cadre d'un autre demande beaucoup d'interaction, et ne se ramène pas à la transmission d'un message. C'est plutôt le changement d'un état, d'une manière d'être au monde.

    On ne comprend quelqu'un que parce que l'on est en mesure de transporter, de façon figurée, son expérience sur notre propre personne. On se figure très mal, ou pas du tout, ce que représente une expérience donnée (se faire attaquer et brutaliser inopinément dans la rue), que lorsqu'on a pu en tâter, ne serait-ce qu'en aperçu.

  • [2019-03-26 mar. 14:22] Une bonne discussion ramènerait de nouveau à cette partition entre ce qui relève de valeurs et ce qui relève de la technique, qui était au cœur de la conception de la démocratie athénienne.

    Ligne de partage que sapait consciencieusement et radicalement Socrate, raison profonde pour laquelle, dans mon interprétation, la démocratie lui a fait procès.

    Nous avons suivi la voie du martyre, et nous avons réalisé l'avènement de la société socratique, entièrement technique.

« Or la façon de construire le problème (de le définir) est strictement dépendante des intérêts des participants. Ce n'est plus une question de forme (des arguments et des rapports entre arguments), c'est une question de d' entités sociales, d'intérêts et de conflits entre elles et entre eux.

La vraie difficulté de l'efficace du numérique, au-delà de la forme, vient de ce l'on ne sait pas définir une équidistance entre les intérêts en conflit. La triangulation par un tiers neutre est impossible (un dieu en surplomb ferait l'affaire), de par la nature même de la situation: j'ai intérêt et je veux ce que tu ne veux pas parce que ça va contre ton intérêt. »

  • [2019-03-26 mar. 14:26] Ce paragraphe semble prendre pour bon pain que le débat peut entièrement se résoudre sur un terrain formel, dans le registre des arguments.

    Il ne tient pas compte de ce qui semblait le propos antérieur, à savoir qu'il faut que les participants s'engagent de toute leur existence dans l'échange, qu'ils mettent les mains dans le cambouis, dans la terre.

« Intérêts particuliers est l'expression péjorative que l'on peut lire dans l'article. Mais tous les intérêts sont particuliers (aucun n'est "quelconque". Le problème pratique dont la solution est toujours "sale" du point de vue logique (parce qu'aporique, ou mal fondée), est que l'élaboration d'un compromis entre intérêts particuliers — compromis dont le cas canonique est celui de l'élaboration d'un "intérêt général", ou d'un "bien commun", autre expression dont l'apparente évidence et bonté nous aveugle), n'est pas une question logique ni de forme mais bien une question de rapport de forces. Et là, toute la grammaire s'évapore20Dans un texte sur l'argumentation des gilets jaunes, Hervé Marchal identifiait des formes d'argumentations jugées très “opérantes", substantialisant les discours sans prendre en compte une argumentation finale qui ne soit pas de la communication : la violence, elle aussi est très “opérante" au sein des débats, et avec des résultats très prédictifs : tapez suffisamment fort sur la tête et tout ceci devient hors de propos.2020.

« Reste à construire une proto-logique du rapport de forces, ou des rapports de forces. »

  • [2019-03-26 mar. 14:28] Et cette proto-logique, qui se replie promptement dans le registre formel qui juste au-dessus semblait dépassé, montre que la pensée n'est pas aboutie.

Réponse de l'un des auteur de l'article :

« ma première remarque: si on peut autonomiser relativement des formes de débat, elles ne sont jamais déconnectées de leur objet: défendre un point de vue c'est défendre sa vie, ses valeurs (ce qui est très connecté).

  • [2019-03-26 mar. 14:30] Oui, mais on attend d'un intellectuel qu'il formule ses idées de façon claire, constructive, intéressante.

«  ma deuxième remarque : il faut reprendre la question de la démocratie athénienne à la base et celle de la sophistique vs. la philosophie. »

  • [2019-03-26 mar. 14:34] Pareil, discours entendu, fait de termes lapidaires réputés transporter en eux la substance de leur sens. Mais en clair, qu'est-ce que vous voulez dire ?

«  ma troisième remarque: le dispositif d'écoute dont parle la belle Chantal Jouanno n'est pas mis en place, le fait que l'on parle à quelqu'un mais devant tous les autres change tout. La médiation du collectif qui peut prendre des formes très différentes, est à analyser, (Psychologie des foules Freud, G. Le Bon qui a été une lecture et de FREUD ET DE HITLER, Zola, Balzac, Flaubert, psychologie de masse du fascisme Reich, Spinoza et la peur des foules etc.)

« la manœuvre politique actuelle consiste à subststituer la “forme débat" au débat contenu.»

  • [2019-03-26 mar. 14:38] Le débat contenu, signifie dire un débat en contention. Le débat-contenu, serait une apposition qui signifierait un débat qui mettrait en œuvre véritablement un contenu.

« C'est une sorte de sophistique à grande échelle, qui finit par fonctionner toute seule […] Ma quatrième remarque: le numérique il faut le prendre à sa racine. Il doit pouvoir libérer une vraie argumentation calculatoire que les dites "Humanités numériques " sont à mille lieux de considérer. Les milliers de débattants en puissance doivent eux-mêmes pouvoir se libérer de la sophistique du calcul au profit de sa rationalité. »

  • Qu'entend-on exactement par sophistique ? on attend d'un intellectuel qu'il formule ses idées de façon claire, constructive, intéressante, mais ce propos nous égare.
  • Le simple fait d'entretenir à son esprit l'idée d'une argumentation calculatoire manifeste pour moi une incapacité rédhibitoire à concevoir quoi que ce soit d'utile pour notre monde. Leibniz et sa characteristica universalis, sont l'une des formes marquantes de cette illusion, dont notre histoire est pavée.
  • [2020-06-23 mar. 00:33] […] La politique est ultimement à propos des valeurs ; Mais aussi, que ceux qui créent de vaste systèmes bureaucratiques n'admettront presque jamais quelles sont leur valeurs (ceux qui prétendent que c'est la rationalité le font pour dissimuler ce que leur plus grande valeur est réellement. Et, tels les barons-gredins du dernier siècle, insisterons qu'ils agissent au nom de l'efficacité ou de la "rationalité". Mais ce langage se révèle toujours intentionnellement vague, et parfois dénué de sens. Le terme "rationalité" est un excellent cas d'étude ici. Une personne "rationnelle" est quelqu'un capable de faire des connections logiques élémentaires et qui atteste d'une réalité non fantaisiste : en d'autres termes, quelqu'un qui n'est pas fou. Quiconque prétend baser sa politique sur la rationalité — et ceci est vrai à droite, comme à gauche — prétend que quiconque est en désaccord avec eux pourrait bien être mentalement dérangé, ce qui est la position la plus arrogante pour laquelle on puisse opter. Ou bien ils utilisent le terme "rationalité" comme synonyme d'"efficacité" en se focalisant sur le comment ils veulent aller vers quelque chose car ils ne veulent pas parler de quoi il est en définitive question d'aller vers. Étant entendu qu'il est difficile de dire “irrationnel pour des acteurs pour qui la participation civique, les idéaux politiques, et le bien commun ne sont pas des valeurs en elles-mêmes, mais qui voient les affaires publiques uniquement en terme d'avantage personnel" Graeber2015.

[ Pour restituer le débat dans son originalité, il m'a semblé nécessaire de conserver cette intervention : ]

« Merci à José pour son intervention "poil-à-gratter" dans un débat numérique pour le moins assez homogène. Il nous permet de poser des questions sur la technicité et les limites de l'outil aidant mais aussi sur la capacité des débatteurs à rester maîtres de leurs émotions dans leurs réponses. On peut alors s'interroger sur un rôle numérique lors d'un échange qui pourrait s'enflammer… je me permets quelques réponses aux uns et aux autres:

  1. outil => en effet, il faudrait que les débats restent au niveau de l'outil ( si extérieur : comment "nourrir les IA"? et leur permettre de l'améliorer?)
  2. outil => en effet, il faudrait un espace concomitant aux colonnes de dialoguéa pour un chat complémentaire avec un CHATBOT dont on pourrait lui donner un rôle quelconque pour le moment, pour tester son impact/ses interventions sur les débatteurs et continuer à "nourrir " les IA.
  3. qualité => Il est vrai que les distorsions culturelles/politiques/etc ont un impact négatif sur tout échange entre 2 personnes car elles peuvent être utilisées à mauvais escient . Nous pourrions alors parler de manipulations antagoniques possibles . Ici viendrait le rôle que pourrait jouer un outil numérique d'intelligence artificielle couplé à un agent conversationnel avec une technologie de tiers de confiance pour remettre du liant (le sujet du débat avec son objectif, résoudre un problème), garder la dignité de tous les débatteurs, traiter leurs propositions au final (une sorte de lois Asimov du débat).
  • [2019-03-26 mar. 14:47] Je renvoie à mes autres commentaires, de nouveau, je me sens dans une telle divergence avec ce qui est dit là, et ce qui est dit là est tellement peu fondé, explicité, qu'il ne permet pas une réelle discussion.

    Ce genre de rédaction témoigne d'un mépris profond pour le lecteur, on lui prend du temps, et lorsqu'il est au bout, il comprend qu'il n'a plus qu'à faire la totalité du travail, seul.

    Ce sont les fondements même du débat qui ne sont pas satisfaits ; Et en l'occurrence, ce sont les bases même de l'écriture académique, qui établit des conditions au débat argumenté, qui sont passées outre.

    Ennuyeux étant donné les personnes qui écrivent.

L'auteur de l'article poursuit :

« la notion de débat quelconque est une référence au philosophe Berkeley discutant du statut du triangle quelconque (celui qui a pour propriété particulière de n'avoir pas de propriétés particulières)

Je suis évidemment intéressé par les limites de cet outil. Il est par exemple adapté à des petits groupes ayant une préoccupation homogène. Il peut facilement précéder ou suivre un débat en présence. Il est difficile à utiliser quand personne ne se connaît déjà. Quand des personnes se connaissent, il peut être utile de lui associer des outils de Chat ou de mail. Mais est-ce vraiment bien de permettre des apartés? »

Réponse [2019-03-11 lun. 11:42]
Tentative de résoudre quelques malentendus.

  1. “Le numérique n'est pas du tout pour José un contre pouvoir mais une manière lamentable de masquer des manipulations": je ne pense pas cela, et ne l'ai pas écrit. Pas plus que le présentiel, le numérique n'est pas par nature une manière de masquer des manipulations politiques ou autres. L'un et l'autre peuvent l'être, ou non, selon les conditions de leur instauration et de leur déroulement.

    Dans les circonstances présentes, le grand “débat" qui sert d'arrière-plan à la “conversation" est une opération géante de manipulation, présentielle, avec ces one-man-shows inadmissibles en démocratie, dont les règles et les modalités sont entièrement viciées : stricte sélection des participants en amont,  “questions" préparées à l'avance sous le contrôle des préfets, pas de “droit de suite" après les longues harangues du président en “réponse" aux “questions", chorégraphie soulignant à l'extrême la dissymétrie des statuts des “participants", etc. Les trois mots entre guillemets les ont mérités: ce ne sont ni questions, ni réponses, et il n'y a pas de participants, seulement de lamentables faire-valoir. En somme, événement présentiel, sans doute, mais pas un débat. Ces grands cirques ont un pendant numérique, avec le recueil de “questionnaires" et une plateforme… informe, dont les règles et les résultats sont entièrement contrôlés par le pouvoir politique, à son profit exclusif. Pour le numérique, selon les mêmes critères implicites ci-dessus, le problème qu'il faut poser et construire en détail est celui du statut de “l'arène" dans laquelle se réunissent, se confrontent, coopèrent, s'opposent, pour définir

    • qui la conçoit et contrôle?
    • quel est le problème qui peut être construit en commun, avant de tenter de le résoudre (en commun)?
    • comment se règle l'accès à l'arène et qui le règle?
    • Comment gère-t-on les distorsions inévitables résultantes des différences de statut politique (le personnel politique au sens large vs. citoyens lambda), de capital social (entre les classes privilégiées avec l'assurance que leur donne ce capital (v.g. entre l'avocat, médecin, etc., et le prolo chômeur de longe durée…), et (corrélatives), différences de capital culturel (utilisation de la langue, capacité d'expression, de synthèse, d'argumentation)…

    Si on ne tient pas compte des handicaps, tout débat, présentiel ou numérique, devient manipulatoire, parce qu'il permet l'exercice subreptice de diverses formes de pouvoir de certains participants sur d'autres. Et moins on en est conscient, plus nocives sont les dissymétries. Ce sont elles qui vont déformer les dimensions de crédibilité d'une parole, du domaine de validité d'une proposition, de la légitimité d'une inférence: et non pas les seules questions de logique formelle. Ce seraient plutôt des problèmes relevant des “logiques concrètes", qui admettent bien des formes non orthodoxes de relation entre p(A) et p(B), etc. Ceci me mettrait plutôt en accord avec certaines suggestions concernant les modalités d'organisation d'un vrai débat, telles que les donne le texte/article.

  2. Plus amusant et plus léger est le fait que Jean considère que le débat (dialoguea) devienne “plus politique" avec mon intervention. Ce que je prétends (et crois pouvoir… soutenir dans le détail), c'est que le texte d'envoi est politique de part en part. Dans le noyau central de l'initiative aussi bien que dans l'acceptation acritique de données aussi clairement politiques que :
    • mentionner la CNDP comme institution impartiale : qui peut le croire ?
    • Citer les positions de Chantal Jouanno sur le débat : qui est-elle ? d'où sort-elle ? comment a-t-elle accédé à ce poste ? Est-ce un “mérite" ou un pantouflage aussi indécent que tant d'autres ?
    • On admet que les “garants" sont des (vrais) garants : qui les choisit ? qui les nomme ? quels sont les critères et quelle garanties nous offre-t-on de leur impartialité ? De même pour l'utilisation (envoi) de “ses commissaires" par Chantal J. Mais de quel droit ces “commissaires" seraient-ils nommés arbitres dans un éventuel vrai débat où devraient être acceptés (et souhaités) ceux qui ne sont pas du même monde que ces technocrates membres éminents de la caste du pouvoir (droite, gauche et centre confondus) ?
  3. L'initiative de dialoguea est lancée dans un contexte extrêmement intéressant : un soulèvement populaire qui jette sur la table la volonté de partage du pouvoir (qui est donc au centre de tout cela). L'initiative dialoguea paraît surgir comme une “offre de services" : Mesdames et Messieurs du pouvoir, (puisque c'est vous qui avez le fric), pour le bien de tous, nous, spécialistes du numérique, vous proposons de construire des outils.

    Je suggérerais de déplacer les cibles de cette offre de services, des technocrates et des politiciens, vers “les gens", vers les lieux de contre-pouvoirs bien fragiles et qui pourraient sans aucun doute profiter d'outils bien conçus pour renforcer leur pouvoir face à la capture du pouvoir institutionnel par la caste techno-politique. Bien sur, un débat bien encadré par des règles bien conçues pourrait devenir un outil général, sauf que le fait d'avoir comme perspective la technostructure et ses besoins, crée des distorsions irrémédiables (peut devenir un nouvel instrument d'oppression), et le fait devenir non pas un instrument général, mais un cas particulier au service des relations de pouvoir (que l'on choisirait d'ignorer).

    • [2019-03-26 mar. 15:01] Très bien encore, et évidemment, en ce qui me concerne, c'est un propos qui remet l'accent sur la nécessité que tout un chacun, raisonnablement muni d'un accès à un ordinateur, puisse tenir à jour une archive qu'il compare à l'archive publique.

Comment un “outil numérique quelconque", peut-il être… quelconque ? Il faut bien admettre qu'on part toujours du concret et que la montée en généralité, suit (quand elle suit). On n'aboutit pas au même résultat selon qu'on se rapproche des assemblées de base des Gilets jaunes (pas un mot là-dessus, bien que tout pointe vers la crise qu'ils ont révélée et élargie), ou autres pas jaunes, et prendre en compte les modalités réelles (à constater et identifier sur le terrain) de construction des discours, et du débat existant, ainsi que des modalités de résolution des contradictions, des oppositions d'intérêts, etc. Et formaliser à partir de ces matériaux, identifier des nœuds de blocage récurrents, proposer des moyens de les dépasser, etc. en fonction des besoins de ces groupes de personnes, notamment sur le terrain des discours publics. Et possiblement, arriver progressivement à des généralisations.

Nous sommes dans une crise de confiance vis à vis de la politique et lorsque la confiance dans la politique est basse, la démocratie et les institutions démocratiques échouent. Alors que proposer pour rétablir la confiance à la suite de programme et d'institutions en échec ?

Le dialogue

« Faire dialoguer les disciplines via l’indexation des connaissances » est l'intitulé d'un appel à communication pour un colloque indexation-Numerev-MSH-19. Mais ce titre et une partie du texte de présentation qui l'accompagne sont fautifs.

Les disciplines ne dialoguent pas, elles se pratiquent et ce sont leurs pratiquants qui dialoguent. On ne peut pas non plus indexer « les connaissances » : on peut indexer des textes, des ouvrages, et dans le contexte présent il est bien entendu que c'est d'indexation automatique de données numériques dont il s'agit.

Une citation est mise en exergue dans l'invitation :

« Une erreur par rapport à un système de références peut devenir une vérité dans un autre type de système. La notion d’information, issue de la pratique sociale, a pris un sens scientifique précis, nouveau, dans la théorie de Shannon, puis elle a migré dans la biologie pour s’inscrire dans le gène ; là elle s’est associée à la notion de code, issue du langage juridique, qui s’est biologisée dans la notion de code génétique. La biologie moléculaire oublie souvent que sans ces notions de patrimoine, code, information, message, d'origine anthropo-sociomorphe, l’organisation vivante serait inintelligible. » Morin94.

L'idée selon laquelle une chose était vraie selon un certain référentiel rationnel et fausse selon un autre est une souche de raisonnements problématiques.

« Référentiel de rationalité ». Le concept était évoqué avec les espoirs d'un débat entre scientifiques et théologiens. L'instigateur défendait que la théologie est une science avec des prémisses et des axiomes que “l'orthodoxie scientifique” ne peut vérifier. Ce que, implicitement, il exprime, est l'idée qu'il existe un référentiel absolu, ce qui est absurde, tout référentiel étant par essence relatif. Par un habile tour de passe-passe, notre Gordius convoquait la notion “d'intériorité réciproque” pour défendre que « la raison n'exclue pas l'irrationnel » et que les intuitions des mathématiciens sont censées le démontrer. Sa nouvelle entreprise : « formaliser la rationalité d’une idéosphère c’est à dire ce qui concerne toute l’activité raisonnée menée par des êtres cognitifs. Cette question concerne la logique et la réflexivité de cette activité puisque l’être cognitif est capable d’introspection. »

Dès lors égarés dans le monde du rêve, on ne savait plus très bien où situer ensuite la dispute.

Si l'eucharistie peut être perçue comme une nourriture spirituelle ; Il faut aussi rappeler Boucheron16 l'opiniâtre présence des figures d'autorité, de l'église ou de l'État, qui tels des pères hyper-dominateurs tentaient de définir le cadre mental dans lequel d'autres seraient autorisés à penser.

Revenons sur la citation de Morin. Un tracé historique résumé au schéma ne peut expliquer comment une idée voyage à travers un siècle tel un jet de pierre. Ici encore, l'objet est abandonné de tout sujet.

Le colloque en lui-même ne révèle pas la moindre aspérité de communication entre les personnes, ni le moindre débat, ni le début d'une controverse : il s'agit de remplir un exercice scolaire. Le mythe de Babel nous dit, au fond, que les gens ne se comprennent pas et qu'il ne peut y avoir de traducteur universel. Dans « the chinese room » de John R. Searle Searle88 (et parue sur comp.sci.ai) personne ne comprend le chinois dans l'histoire et la chambre n'existe pas. Dégager du sens d'une réalité qui au point d'aboutissement est formel, c'est l'application de deux objets qui ne sont pas apparentés.

L'interopérabilité, c'est l'utilisation d'un même code, c'est partager quel­que chose culturellement et nidifier le contexte dans lequel ce code va pouvoir émerger. C'est la question de la traduction ou de la traduction d'un message sortant du registre de l'interopérabilité, pour retourner dans celui des machine en échangeant des codes. Les échanger, soit. Mais c'est surtout de les comprendre et de les interpréter dont il s'agit. Entre les personnes bien sûr, et d'un langage différent.

Du sens en règle générale, nous pouvons produire des suites de caractères et des mots et les transmettre. À l'inverse de ce que fait la machine, qui, des suites de caractères assemble des mots qui auront du sens et pour ces concepteurs, et pour la suite des opérations. D'un livre à un autre passent des messages, mais ça n'est pas à proprement parler de la communication.

Prenant la citation de Morin pour du bon pain, nos organisateurs, au lieu de s'interrompre sur le sens des notions convoquées — qui voyagent tel des papiers aux vents, dans des directions erratiques — ont prolongé cette réflexion, pourtant chargée de généralités et d'essentialisme, qui produit une confusion dans laquelle l'humain ne trouve décidément plus sa place : le règne de l'objectivité scientifique ayant supprimé et l'observateur, et l'invité et le critique.

Encourager le consensus ou la controverse n'est pas une activité en soi, mais les échanges de savoirs font parti du travail des chercheurs et ils doivent se donner la capacité de le faire hors des murs.

Nos duellistes du XVIIè en lavant les affronts avec les honneurs jetaient aussi la vérité avec quelques pelletées de terre au fond d'un trou. Bien que tolérés, leur interdiction grandit à partir de Louis XIII. L'histoire a retenu nombres de rivalités et d'assassinats politiques qui se passèrent ainsi. Mais renoncer à la vérité signifie aussi la fin de toute chose et pas seulement pour le philosophe car enfin s'il était possible d'y renoncer, il n'y aurait, en chemin, plus qu'égarement, mensonge, faux-semblant, une place réduite pour la raison et le début de l'absurde. Alors oui, en lieu et place du bon sens de raisonner, on peux toujours dire “je préfère ne pas savoir”, et avant d'être un renoncement de faire valoir son choix.

Realteknopolitic

Le soutien technologique apporté par l'armée se constitue sur les crises. Celui des entreprises sur le profit. La combinaison des deux vise à produire les déséquilibres entre guerre et reconstruction, innovation et capitalisation. La maîtrise d'une domination sur une très grande population occidentale exploite ses moyens technologiques pour fabriquer une propagande adaptée, rester très informée et connaître la nature des échanges entre de potentiels opposants : le pouvoir acquis est proportionnel aux quantités d'informations disponibles et aux capacités de les assimiler et de les exploiter.

La justice ne s'applique qu'en connaissance des causes. C'est la présomption d'innocence qui prévaut. Le contraire de la justice n'est donc pas une injustice, mais le manque d'information à son sujet. L'injustice survient dès lors qu'existent de fausses ou de mauvaises informations.

Dans une technocratie post-moderne l'aspiration technologique d'un peu­ple grandit pour trouver matière à ré-enchanter son imaginaire. La finance profite de cet élan de consommations, de l'information détaillée qu'il est possible d'obtenir et de la compétition qu'elle engendre. Le rapide renversement des relations induites — existent des empires digitaux tandis que chacun peut être son propre media — établit une situation dans lequel le terrain de mésentente des partis politiques ne se délimite qu'au terme d'une radicalisation des conflits.

L'industrie informatique a suivi schématiquement le modèle d'arrivée du tracteur dans l'industrie agro-alimentaire : le progrès industriel provoqué par une crise mondiale accélère la production des chars, qui seront exploités ensuite par l'industrie agro-alimentaire. La Silicon Valley est ainsi le fruit de la guerre électronique, du développement des radars et des contre-mesures (ELINT et SIGINT). En 1968, 35% des fonds de recherche en électronique sont pour des travaux classifiés. 50% du travail du SRI (Stanford Research Institute) vient du DoD ; ce qui entraînera d'ailleurs de nombreuses manifestations étudiantes.

Les moyens de protection de l'information personnelle sont extrêmement faible face aux capacités de pompage de données de la NSA ; et accompagnée par la guerre déclarée au terrorisme ceci va avoir la même conséquence : le renforcement des sécurités intérieures et de moyens de contrôle social. Ce qui devient une fin politique en soit et va justifier l'emploi systématique des mesures d'exceptions.

Dans cette prolongation, il faut craindre les progrès de la bio-informatique : si des diagnostics personnalisés deviennent trop précis, cela produira en bout de chaîne un gouvernement hostile qui ce sera doté de capacités et de critères de filtrage extrêmement précis. Le rêve de tout bon totalitarisme.

Cette guerre de l'information comme un orage électronique, fait rage sur les systèmes informatiques du monde entier. Par son caractère inédit et invisible, il est l'objet de quelques littératures abondantes et spécialisées, qui s'empilent chaque matin dans les secrétariats des agences de sécurité. Ce même caractère invisible et ubique le rend difficile et complexe à appréhender. Complexité juridique et technique, complexité informatique et algorithmique, l'entrée fracassantes de ces disciplines à la fin du XXème siècle a complètement renouvelé les champs et les possibles des mathématiques, de la logique et donc de la pensée. C'est en dépit des apparences et de cette paire de “google” que l'on nous a posé devant le nez que la complexité des systèmes a pris des proportions anormales.

Je n'entre pas dans des considérations techniques, car je voudrais rester sur le fait social : dans les recoins de ces fondations historiques se sont larvés les premiers cocons d'une insectisation de l'espèce humaine. Sa capacité de suivre à la trace des signaux faibles et de les propager à toute une ruche. La sophistication des systèmes est une boucle rétroactive. Elle est aussi synonyme de fragilité. On espérait l'augmentation de l'intellect humain par la nature diffuse des vecteurs de pensées, mais l'hypermediatisation a produit des classes encore plus marquées qu'elle ne l'étaient avant.

Tandis que chaque individu est unique, un autre caractère de nature insectoïde apparaît, lié à la reproduction à l'identique de traits que l'on va retrouver chez les individus : ici une partie de leur appareil de communication, revendiqué comme tel, des extensions de soit, des circuits imprimés, le tout transitant par des émissions radios ou des signaux électriques aussi invisibles que les phéromones. Un cliquetis prophétique nous rappelle aussi à cette image Hart98.

On peut associer cela à un phénomène de normalisation provoqué par l'establishment dominant, mais une thèse biologique semble aussi improbable qu'une théorie économique et sociale. En cherchant bien, une hypothèse de l'hybride, du double prothétique ou de la préservation de l'espèce serait à l'horizon. Y a-t-il quoi que ce soit pour étayer ce discours, ou bien est-ce la théorie sociale qui prévaut ?

L'abolition des distances et la capacité de rebond de messages qui font le tour de la terre en quelques centièmes – si ce ne sont des millièmes – de secondes ouvre sans forcer le potentiel de la dimension mondiale des conflits.

Il ne s'agit là ni de bataille rangées, ni d'une guerre de drones ; la civilisation de la lutte Debray14 — au sens où elle est ordonnée, polie, civilisée, longtemps espérée par l'Europe, est arrivée, dans l'Europe des républiques et des banques corporatistes. Les rapports de forces brutes désormais trop déséquilibrés, une guerre, une vraie, aussi inhumaine – c'est à dire profondément humaine – soit-elle n'est plus proclamées en réponse à l'invasion de son voisin ni a titre préventif, mais en raison du jeu systémique complexe de la préservation.

Les progrès considérables dans le domaine des microprocesseurs sont issus de l'alternance entre les besoins technologiques militaires et le secteur privé entreprenarial, pour la simple raison que, ainsi que Vinton Cerf l'a souligné, les capacité d'investissement du secteur privé dépasse largement celle de n'importe quel gouvernement.

Dans le prolongement du corporatisme fédéral, la guerre de l'information fait tâche d'huile et se dilue sobrement dans le soft power. La sphère corporatiste s'agrandit avec les extérnalisations, les délocalisations et la sous-traitance des services.

La frappe terroriste est frappe de guerre. Et une attaque informatique, qui peut sembler un phénomène isolé voire aléatoire, peut aussi être ciblée et précise, tout en restant noyée dans le bruit électronique. Hors tout oppose un attentat suicide à un bombardement par drône ou à un trafic d'informations. La situation est diamétralement aux deux opposés d'un spectre, la doctrine religieuse contre une propagande de jeux vidéos, l'engagement total et physique d'un kamikaze contre le pilote d'un drône qui largue une bombe et rentre dîner le soir avec sa famille.

Le risque d'envenimement et de contamination des conflits n'est pas à chercher bien loin : les ressources énergétiques fossiles sont au cœur d'un problème qu'il est urgent de démanteler. Après la société du moteur à explosion, la prolifération des plastiques et des métaux rares est le deuxième barrage qui place la société de l'information en confrontation à elle-même. Comment en est-on arrivé là ? Et bien, que justifie la provocation d'une crise : la recherche d'une stabilité future prospère. Il n'y a pas de guerre sans paix, mais le contraire, qu'il n'y a pas de paix sans guerre n'est pas vrai et on doit défendre que la paix n'est pas l'absence de guerre.

Préoccupations autour du réchauffement climatiques mises à part, c'est aussi la marque pesante qu'un pouvoir grandissant et invisible s'empare de nos réseaux de communications, de nos écrits et de nos mots. Et c'est un réflexe quasi organique qu'y s'y oppose.

Collaborer pour le climat

Le point de départ est l'écologie. Une idéologie qui rentre en opposition avec le capitalisme et qui entend agrandir le domaine de la politique sur un terrain réaliste, à même d'exercer une pression sur le thème sacré de l'union nationale. Le principe est pourtant simple : se serrer les coudes et ne pas se disputer.

Fruit de travaux universitaire sur l'intelligence collective, le planning collaboratif et le changement climatique, the climate colab ClimateColab11,Toplak10,WDSmith n'offre pas un objet technologique inédit, mais plusieurs réflexions combinées entre elles et un problème centré sur un sujet : trouver les doublons. Il se présente comme un forum favorable à la synergie des idées : quand les utilisateurs partagent leur création dans un forum commun, ceci peut activer une explosion synergique de créativité. Les gens développent de nouvelles idées en recombinant et en amplifiant celles qui ont été déjà émises par d'autres. Les systèmes sociaux-numériques ouvrent l'accès à de grandes diversités d'expressions, des voix qui autrement ne seraient pas entendues, et peuvent, désormais, avoir un impact significatif.

C'est l'effort social regroupé qui produit des résultats remarquables du simple fait que de nombreux scrutateurs lisent et relisent continuellement des textes en partages et apportent des corrections et des amendements. C'est le principe du logiciel libre. Et c'est ainsi, que motivés et informés, de grands groupes de contributeurs indépendants peuvent collectivement produire et obtenir de meilleurs jugements qu'un petit groupe d'experts. Un jugement collectif annule des biais et des lacunes portés individuellement. C'est la sagesse du peuple.

Les technologies de réseaux sociaux-médiatiques produisent souvent, cependant, « plus de chaleur que de lumière » quand elles sont appliquées à des questions difficiles et controversées.

Du contenu désorganisé les médias sociaux existants en produisent beaucoup et retrouver ce qui a été écrit dans un sujet d'intérêt prend du temps. Ceci renforce la couverture non-systématique de sujets, les utilisateurs ne pouvant identifier quelle parties ne sont pas correctement couvertes et nécessitent plus d'attentions. Cela tient directement au mode de publication et d'édition, c'est à dire un certain rapport à la diffusion et à la captation de l'hypertexte et préalablement à leur système d'écriture.

Le ratio bruit/signal est faible : il est notoire que les médias sociaux produisent du contenu hautement redondant. C'est ainsi que des points importants sont souvent noyés dans la masse, par de la quantité plus que de la profondeur. Les médias sociaux obtiennent souvent beaucoup de petites contributions plutôt qu'un nombre réduit d'idées plus profondes et bien considérées, puisque le processus de raffinement collaboratif n'est pas intrinsèquement porté et soutenu.

Polarisés, les usagers des systèmes de réseaux sociaux s'assemblent en groupes qui partagent les mêmes opinions. Ils peuvent ne percevoir qu'un sous-espace des idées et des arguments ou des questionnements qui sont potentiellement pertinents pour résoudre un problème donné. Les gens tendent à prendre des version plus extrêmes, mais pas mieux informées, des opinions qu'ils ont déjà.

L'argumentation est dysfonctionnelle car les médias sociaux existants n'encouragent ou ne renforcent pas l'argumentation bien fondée. L'action de poster est donc souvent basée sur la préférence plus que la preuve ou la logique.

L’argumentation

« C'est ça qui est à mon avis très riche d'enseignement dans la façon dont les italiens, jusqu'à Machiavel, ont pensés leur crise politique : ils la pensaient d'abord comme une crise de la langue politique. Et cela nous rappelle des choses, car déjà en Mai 68, on avait, au fond, vécu — pas moi mais en tout cas ceux qui l'ont vécu — la rapide usure d'un lexique qui d'un coup ne désignait plus rien.

Et au fond cette idée machiavélienne que le mauvais gouvernement arrive toujours au moment où on prend un mot pour un autre et donc où le langage politique devient inadéquat à saisir les choses.

Bien sûr que c'est ce qu'on vit. Évidemment qu'on est désorienté et on est désorienté parce qu'on a proprement plus de mots pour le dire. Alors à la hâte on va ramener ceux du passé, on va dire que c'est le fascisme on va… mais c'est pas ça l'histoire. Elle est beaucoup plus complexe et elle doit être plus lente et plus patiente. C'est pour ça que je dit que c'est aussi un éloge du calme. »

Patrick Boucheron professeur au Collège de France, titulaire de la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe - XVIe siècles ».


De nos jours la science est largement à même de concurrencer efficacement la religion puisqu'elle répond d'elle-même à ces deux besoins strictement idéologiques que sont l'espoir et la censure et qui constituaient jadis la chasse gardée du religieux Zizek12. Seule la science a le pouvoir de faire taire les hérétiques. À l'heure actuelle, c'est la seule institution capable d'affirmer son autorité. Tout comme l'Église par la passé, elle a le pouvoir de détruire, ou de marginaliser, les penseurs indépendants. […] Pour quiconque chérissant la liberté de pensée, il s'agit peut-être d'une mauvaise nouvelle, mais c'est sans conteste la raison principale de l'engouement pour la science. Pour nous, la science est un refuge contre les incertitudes, la promesses — et, dans une certaine mesure, le vecteur — du miracle consistant à se libérer de la pensée, alors que l'Église est devenue le sanctuaire du doute.

Il ne s'agit pas ici de la science en tant que telle. L'idée selon laquelle la science permettrait de se « libérer de la pensée » n'est donc pas une reformulation de la fameuse phrase de Heidegger : « La science ne pense pas. » Il s'agit plutôt de la science en tant que force sociale ou institution idéologique dont la fonction consiste désormais à apporter des certitudes, un point de référence stable, de l'espoir — les progrès technologiques nous aiderons à combattre la maladie, à prolonger notre existence, etc. Dans cette dimension, la science incarne ce que Lacan appelait le « discours universitaire » dans sa forme la plus pure : un savoir dont la « vérité » est un signifiant maître, autrement dit le pouvoir.

Aujourd'hui, science et religion ont échangé leurs places : la première fournit la sécurité jadis garantie par la seconde. En une étrange inversion, la religion est devenue l'un des lieux à partir desquels il est possible de déployer des doutes critiques sur notre société. Elle est devenue un site de résistance.

L'hérétique en matière politique, religieuse, morale ou esthétique est quelqu'un qui refuse d'aller contre sa conscience.

A partir de travaux sur l'argumentation Cerisy87,Plantin05, des notes inscrites sur les copies dont je dispose, et de celles prises par d'autres au cours du séminaire organisé par le groupe AREN et qui convoqua l'auteur, j'aborde un commentaire sur le sujet, l'objet étant avec le résumé, de faire quelques mises au point.

Le mot, sujet central, apparaît 441 fois dans les 163 pages d'une édition de 1996 Plantin1996c. On dénombre 535 racines “argumentati" (-f,-ve,-on, etc.) et 680 “argument”, Il arrive fréquemment que l'étude didactique de l'argumentation se confonde avec l'acte d'argumenter en lui-même, voire avec les schèmes logiques, qui, mis bout à bout en composent une (d'argumentation), ce qui ne facilite pas la lecture. L'auteur effectue cette distinction : « Deux approches de l’argumentation cohabitent : l’une liée à l’étude de la langue et du discours discursif […] qui établit de longues listes de formes argumentatives […]. L’autre modélise des schémas logiques […] dans une écriture de logique mathématique. » C'est dans la deuxième approche, que les arguments sont pré-supposés véhiculant des preuves.

La même distinction s'opère dans la philosophie qui désigne un art ou une discipline ou un système de pensée détaillé, rigoureux, méthodique, éthique, moral, ithos, où il s'agit d'intégrer et d'expérimenter des notions.

L'édition de 2005 qui dans sa première moitié est principalement une étude bibliographique, se découpe en sept chapitres, qui font l'objet d'une dizaine de sections chacunes dont la première rappelle l'existence de l'approche classique, la Rhétorique d’Aristote. L'histoire de la discipline nous dit en (très) résumé que c'est l'art de penser correctement, celui de bien parler, et celui de dialoguer, διαλεκτική (τέχνη).

Sont donc convoquées trois vertus théologales : penser bien, bien parler et agir en accord, sachant que le « correct » en tant que la conformité à des règles, tout en étant dans des normes sociales, peut aller se situer en deça du bien.

Aristote, en distinguant trois types d'auditeurs, distinguait ainsi trois genres rhétoriques, chacun trouvant à s'adapter à l'auditeur avec un certain type d'effet social : les discours délibératif (ou politique), judiciaire, épidictique (ou démonstratif). Emprunté au latin epidicticus (qui sert à montrer), — lui même emprunté au grec ἀποδεικτικόςn, évident — démonstratif ne prend pas le sens de démonstration logique, mais celui d'une manifestation démonstrative (pour une cérémonie, tel qu'un évènement religieux). Et puisqu'on a indiqué un type d'effet social et que les trois éléments cités au dessus sont les trois genres rhétoriques, précisons que le délibératif s'adresse au politique et son objectif est de pousser à la décision et à l'action (et a pour fin le bien); le judiciaire s'adresse au juge et vise l'accusation ou la défense ; le démonstratif fait l'éloge ou le blâme d'une personne (a pour fin le beau, en terme actuel : la valeur).

L'image qui vient aux esprits est celle des citoyens de l’agora grecque, et aux tribuns de l’empire Romain qui parlent debouts devant une assemblée des affaires de la vie publique. Or c'est toujours le cas, étant la manière la plus saine et la plus sûre de discourir et de manière ordonnée… tant que ces lieux existent.

[note en marge :] “Puis la rhétorique se met au service de l’église. Elle est la base même d’éducation des jésuites.”

La rhétorique est un instrument du discours, qui, en tant que tel, ne peut se mettre au service de. Dire que la pensée ou le dialogue se mettent “au service de" est dans le même registre d'expressions faussées. De manière générale ces formes passives sont suspectes. Que l'église instrumentalise la rhétorique et en use est plus à même de restranscrire une histoire. Comme il y a un tronc commun dans cette éducation, les jésuites reçoivent une éducation commune et les jésuites sont éduqués selon des valeurs aristotéliciennes.

« En 1879 […] Le pape Léon XIII publie l'encyclique Aeterni Patris, qui établit Thomas d'Aquin (1227-1274) comme une sorte de philosophe officiel de l'église catholigue. Or cette philosophie « Le néo-thomisme » adhère à une vision de la logique artistotéliecienne comme fondement de la pensée au moment précis ou cette orientation est scientifiquement dépassée. » p.12.

Mais par qui et comment, il faudra le chercher ailleurs dans le labyrinthe…

[Chapitre VII p.106 : le cas des ouvrages fondant l'argumentation sur la] « persuasion-séduction intellectuelle en vue d’une adhésion, créée ou renforcée, à de nouvelles visions du monde : c’est définir l’argumentation par sa finalité, qui n’est autre que la conversion et la fortification des croyances, et il n’y a pas loin de la croyance à la foi. »

Une vision athéiste plutôt que théiste. Mais quelle est la hauteur du gouffre entre la croyance et la foi ?

L'argumentation chez les Jésuites, analysée par Pascal et non sans ironie dans ses Provinciales Valencin55, porte d'abord sur la question de l'orthodoxie et du texte et sur la nature des accords selon les professions. C'est autour de la religion du livre que se structure le débat théologique dans les limites arbitrée par Pascal en montrant les accords, les désaccords et les mésententes qu'il peut y avoir sur le sens et sur la forme.

Cette explication basée sur le prosélytisme est suspecte, d'autant plus qu'elle fait référence à un temps où tout le monde ou presque croît, depuis les grecs et avant. Sinon de quoi parle-t-on ? De la conversion de qui et de quoi ? Des païens ?

Un argumentaire chrétien se bâti sur une éducation théologique, cette éducation faisant l'objet de questionnement qui animent le débat religieux. Argumenter en dehors de l'église en vue d'une conversion n'a donc guère de sens : “Puisque je te dis que Dieu existe !”.

Daniel L. Everett était d'abord missionnaire et il tenta de convaincre les Pirahã de l'existence d'un individu, le Christ, qui lorsqu'ils lui demandaient s'il l'avait vu, n'existait plus que dans un ouvrage, la Bible. Or leur culture et leur langage ne les amènent à ne porter de l'intérêt à des évènements rapportés que s'ils ont été directement vécus où dont le témoin peut être rapporté. C'est l'échec de cette rhétorique et la réalisation que eux vivaient déjà en un paradis qui lui firent abandonner sa mission.

Une éthique du discernement n'oppose pas croyants et incroyants. Car l'éthique du discernement s'exerce au sein même des religions du livre (exégèse canonique, Talmud, Tafsir). En lieu et place de finalité, c'est l'immanence du débat religieux qu'il faut agiter, là pour des raisons morales et philosophiques, plus que pour des objectifs politiques atteints par la mystification.

Il y a des croyances et il y a des arguments contradictoires, et s'il on tient à définir la “finalité" de ces derniers, il n'ont qu'un but : faire avancer le débat et les connaissances, quand bien même ils portent sur l'interprétation à donner à une tradition.

David Graeber avait un argument massue que je résume ainsi : prenons une argumentation finale qui ne soit pas de la communication : la violence, c'est aussi très “opérant” au sein des débats, et avec des résultats très prédictifs : tapez suffisamment fort sur la tête et tout ceci devient hors de propos. Et cela nous aidera à rappeler ce qu'ont aussi été la croix et le fer.

Après la commission Buisson-Briand et la séparation de l'Église et de l'État, cessa la rhétorique enseignée en latin dans les universités laïques. À quel niveau se déplaçait alors le choix d'opposer un degré suffisant de difficulté pour réserver les savoirs à un cercle restreint est une autre question à réserver pour un historien.

Les études sur l'argumentation ont connues un développement remarquable dans les années suivants la seconde guerre mondiale. On peut trouver de multiples explications à cela : l'opposition aux phénomènes de propagandes, la construction d'un mode de discours démocratique rationnel, le rejet des discours totalitaires, les progrès de la logique et des médias.

Le sujet est transversal à la logique et aux mathématiques et, plus que cela, lié aux sciences de la communication, puis à la communication de masse. « la logique n’est plus un art de penser, mais un art de calculer. » écrivait Frege, en 1879. Sa contribution à la logique formelle est considérable, Russel le reconnaît, puis lui révèle sa propre contradiction en logique, mais c'est à Leibniz, un siècle auparavant, qu'il faut attribuer la paternité de ceci.

Chez Quintilien, dans le registre rhétorique, et parlant de preuves, « artificiel » revêt le sens de « fait avec art, fait selon l'art », qu'il faut comprendre par « imaginées par celui qui parle, c'est-à-dire basées sur la déduction ».

Dans le passage « D’une logique naturelle à l’intelligence artificielle » Plantin05 (I.III.3, p.16) le propos devient elliptique et renvoie à des références pour comprendre des modalités formelles que l'on peut prendre la peine d'expliquer.

L'inconnaissable (le mystère) représente une liberté exactement pour sa souveraineté face au déterminisme ontologique. Croire naïvement en des taxonomies représentant une réalité hiérarchiquement structurée ouvre la voie à des mythopoïèse sémantiques. Mystère à opposer à l'énigme, le mystère n'apportant pas de réponse. Les I.A. passent par cette étape, produisent des quantités d'aberrations avant de « minimiser l'erreur », c'est à dire obtenir des classifieurs, qui au vu des résultats qu'ils produisent sont jugés satisfaisants statistiquement.

C'est la question de l'intelligence artificielle des hommes qu'il faudrait poser. Amplifiée et manifestée par la quantité déjà disponible de raisonnements formels écrits, prouvés, programmés qu'il est possible de s'attribuer et qui agitent des fantasmes et projettent des chimères.

Ça n'est pas la logique en elle-même qui produit des suites d'inférences, ce sont les cerveaux des mathématiciens. Bien sûr que la calculette “calcule" mais il faut bien, d'abord, calculer la calculette. Et la calculette ne fait que ça : calculer. Et elle aura beau stocker le calcul, ça n'est pas pour autant qu'une quelconque “connaissance” y soit mémorisée.

« Non seulement les mots ne permettent pas la démonstration, mais ils permettent aussi peu cette forme dégradée de la démonstration que serait l’argumentation. Celle-ci n’est qu’un rêve de discours et notre théorie devrait plutôt s’appeler Théorie de la non-argumentation. » Cette citation est de Ducrot, un puriste de la démonstration. L'insulte suprême des mauvais profs de maths est « mais ils ne savent même pas faire une démonstration ! » Parce qu'on le leur mal expliqué.

« Les arts de la preuve, argumentation et démonstration, partagent les caractères suivants : une interrogation, un langage, une inférence, dérivation logique (P donc P). »

Ce que, tout en tournant autour, Plantin ne dit pas, c'est que la première caractéristique distincte de la preuve est que l'on peut la montrer, on peut s'y référer, on peut lui attribuer une provenance et une origine. L'idée qu'il y aurait des caractéristiques communes à trouver dans l'exercice de la pensée rationnelle, que ce soit dans des arts séculaires ou au cours d'une enquête m'apparaît comme une tentative pour isoler des concepts au lieu de les articuler.

On trouvera plusieurs passages qui exposent un propos relativement ardu pour entendre dire des choses simples : un paragraphe entier est nécessaire pour parvenir à exprimer qu'une chose peut être tenu pour vraie, tandis qu'une autre ne peut l'être en premier lieu et se doit d'être déduite. Ailleurs le terme inférence est utilisé pour désigner des observations (“Les pratiques argumentatives permettent des inférences sur les caractères [des personnes]”). Inférence est le terme le plus général, dont raisonnement, déduction et induction, sont des cas spéciaux. Ce qui fait défaut est la fragilité du lien conducteur pour sinuer entre ces agrégats de concepts, censés permettre de créer un discours cohérent, le risque étant de voir apparaître des absurdités. Et c'est ainsi que l'empathie est signalée comme un risque (pour l'argumentateur logique bien sûr), dans la section sur éthique et pathos ; C'est θικά (qui concerne la morale) et πάθος (ce qu'on ressent). On peut voir que le rapprochement étymologique est bien plus tardif, par dérivation de patheticus.

Pour finir, dans le registre du débat théologique sont évoquées « dix sources de légitimité d’un argument dans l’ordre d’importance .» En fait de sources, il s'agit «  d'autorités » étant entendu que les autorités suprêmes sont spirituelles.

« Dans un ouvrage récent d’apologie militante, [il] est rapporté que le “premier sujet de désaccord entre les compagnons fut la réalité de la mort même du prophète. Ainsi le très estimé Omar persistait à dire que le prophète n’était pas mort […]”. Un autre compagnon lui rappela alors le verset du Coran (39, 30) : “Tu dois mourrir un jour, comme ils le doivent aussi.” L’épée tomba aussitôt des mains d’Omar qui se jeta à terre convaincu que le Prophète avait cessé de vivre. Si l’on en croit cette anecdote, le meilleur argument capable d’emporter la conviction totale, n’est pas un fait, mais le Texte. Les mots peuvent parler plus haut que les faits. »

La vieille querelle entre sunnites et chiites est à rapprocher des diverses formes de protestantisme. Ce qui nous ramène aux remarques qui ont précédées à propos des jésuites.

Mais la traduction exacte de la sourate est « En vérité tu mourras et ils mourront eux aussi ; » et non pas « tu dois mourir un jour, comme ils le doivent aussi » ce qui dit significativement autre chose et plus encore avec cette épée tenue puis lâchée. Les traditions musulmanes ont souvent évoquée la prodigieuse longévité du prophète. Il s'agit tant d'un rappel à la mortalité et à la santé qu'une dénégation de la résurrection du Christ.

La dernière phrase de ce paragraphe (si on en croît l'anecdote…) montre assez bien la confusion et le doute qui guette entre l'argument, avancé, prouvé ou pas, les faits, la conviction et loi religieuse. Tout est assez bien réuni dans ce bouillon, ce qui peut arriver quand on tourne longtemps autour d'un texte en voulant expliquer quelque chose que l'on a soit même pas bien compris.

Ce que l'on peut en dire est assez convenu : en dernier recours, ce qui fait foi et autorité, c'est ce qui est écrit dans les Textes. Encore faut-il savoir interpréter ce qui est dit. Et nous voici retourné au point de départ : à l'orthodoxie.

L'intérêt que présente un argumentaire troué ou une polémique est d'offrir de nombreuses prises, contradictoires, pour amorcer un discours. L'injustice — tout particulièrement celle que l'on rendrait à un texte ou à quelqu'un demeure une source de diatribes.

Servant la réplique (Dialogues76) à Paul Robert, qui se questionnait sur le choix de ses exemples dans ses dictionnaires, « un dictionnaire sans exemple est un squelette, disait-il », Bernard Potier, linguiste, poursuivait : « Et qu'est que c'est qu'un bon exemple ? Là on retombe dans le choix, dans l'intuition du rédacteur : il n'y a aucun moyen de sélectionner vraiment une citation objectivement, d'ailleurs ça n'a pas de sens.

D'ailleurs tout ce qui est linguistique en fin de compte est intuitif. On essaie de se rattraper à travers des méthodes qui ont l'air un peu plus élaborées, un peu plus formalisées, à travers des techniques plus raffinées, mais au fond, l'homme qui est train de rédiger est vraiment le responsable de ses choix. »

Une commentatrice trouvait que l'ouvrage « était tendu vers la rationalité logique opposé à la conflictualité et aux besoins et nécessité de convaincre » ; conflit, convaincre, qui, dans leurs formes les plus dures, outrepassent logique et rationalité. N'est ce pas le mal du siècle ? On a troqué le nazisme contre la rationalité, l'optimum, chaque chose, chaque geste, rendu comptable, chiffrable, ce que Craipeau et Metzger appellent la “gestionnarisation” et qui, véritablement, transforme des personnes en contrôleurs dont le rôle est de prescrire le travail mais sans en connaître la teneur, il faut juste que “ça marche”. C'est aussi tout le propos du "loup dans la bergerie" — sous entendue, socialiste — de J.C. Michéa Michéa17,Michéa18, traitant de la contractualisation de toutes choses confondues en un unique marché.

Quelques remarques dans les notes griffonnées dans ma copie de Plantin05 mentionnent qu'il n'y a « rien sur la conciliation, la négociation, la diplomatie, [la] résolution de conflit, ni sur l’intelligence collective, la coopération, la création de dynamiques collectives. »

Ce sont là d'autres thèmes que ce petit opsucule traitant un sujet spécialisé et recherchant du formalisme en tout lieu ne peut entendre aborder mais qui peuvent généreusement faire le titre d'un autre livre. Pour ce qui touche aux relations civilisées entre les États, on peut s'attendre à ce qu'un traité de diplomatie soit d'une autre envergure. Dans le prolongement sur ces questions, on pourrait tout aussi bien se questionner sur le rôle paternaliste que joue l'État pensant que les citoyens ne sont pas rationnels ou constater que, comparativement aux intellectuels politiques, les hommes d'affaires politiciens se sont arrogés trop de droits.

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  • [Michéa18] Jean-Claude Michéa, Le Loup dans la bergerie, Climats, Flammarion (2018).


1

digit n. (number: 0-9) : chiffre nm.

3

« La menace qui pèse sur les informaticiens, c’est le conservatisme, encouragé par les fournisseurs, on comprend qu’ils n’aient pas envie de voir remises en cause des compétences qui ont mises des années à être acquises, mais dans un secteur en évolution rapide, le conservatisme est suicidaire à terme, même si la croissance rapide du secteur peut en masquer les dangers. » Bloch13

4

Les Communautés d'universités et établissements, mises en œuvres sous le ministère Fioraso en 2013. https://histoiresduniversites.files.wordpress.com/2020/03/urca-regrouper-d%C3%A9grouper.pdf

5

Sur l'écosystème Javascript, il faut rappeler qu'après l'acquisition de github par Microsoft pour 7,5 milliards de dollars en juin 2018, suivit celle du registre npmjs en février 2020. La situation est exposée dans Silverio:2019.

8

On a pu imaginer à un stade que cette relation se nouerait avec communecter.org, mais pour des raisons de maturations technologiques et soucieux d'élaborer un groupe de travail local, je reportais ce rendez-vous qui, par la suite, (et bien que je me sois rendu dans l'autre hémisphère dans le but de rencontrer son instigateur) n'arrivera jamais.

9

Plus difficile encore, l'explication de l'un des membres du projet «AREN» désigné comme product manager ; Au cours d'une des conférences d'un cycle sur l'IA en Mars 2018 : « nous essayons de recréer le cerveau humain ». Une vision particulièrement rétrograde car plus personne ne pense ainsi depuis les années 60.

11

“the spirit was willing, but the flesh was weak”

14

Les banlieues sont aménagées sans plan et sans liaison normale avec la ville. Les banlieues sont les descendantes dégénérées des faubourgs. Le Corbusier, La Charte d'Athènes, 1957, p. 24.

15

L'urbanisation […] joue un grand rôle [dans les troubles psychiques] parce qu'il y a des quartiers où la culture entre difficilement [et entraîne une] société en grumeaux, […] un grumeau social — Boris Cyrulnik gddi

16

Commission d'Accès au Documents Adminisratifs

18

« La gouvernance fit son entrée en 2004 dans la Lingua Quintae Respublicae en prenant des parts de marché à gouvernement (trop étatique), à direction (trop disciplinaire), à management (trop technocratique, bien qu'assez ancien dans la novlangue). Les américains l'utilisent principalement dans corporate governance, c'est à dire la direction des entreprises par leur actionnaire Hazan06.

19

Le terme qualifié (sens contraire «disqualifié») reviendra très souvent dans les discours sur l'ingénierie des débats pour dire : qualifier des termes, les étiqueter.

20

Dans un texte sur l'argumentation des gilets jaunes, Hervé Marchal identifiait des formes d'argumentations jugées très “opérantes", substantialisant les discours sans prendre en compte une argumentation finale qui ne soit pas de la communication : la violence, elle aussi est très “opérante" au sein des débats, et avec des résultats très prédictifs : tapez suffisamment fort sur la tête et tout ceci devient hors de propos.